Coordination : Geneviève Colas - genevieve.colas@secours-catholique.org - 06 71 00 69 90

Le lien entre les droits humains et la lutte contre la traite

Quels liens entre lutte contre l'exploitation et la traite et droits humains, et les droits humains ?

La traite des êtres humains est une infraction pénale inscrite au chapitre des « atteintes à la dignité de la personne » dans notre code pénal. Cette notion de dignité peut être entendue comme le fait de considérer une personne comme un sujet auquel sont attachés des droits inaliénables. 

Dans les phénomènes que nous observons, et quelles que soient les finalités d’exploitation, nous constatons systématiquement la réification des personnes, leur réduction à l’état d’objet privés de droits fondamentaux. 

Ainsi, la lutte contre la traite des êtres humains et la reconnaissance et l’accompagnement des victimes, en ce qu’elle vise à restaurer la dignité des personnes, à leur redonner leur place de sujet de droit, a un lien évident avec la défense et la promotion des droits humains qui confère à toute personne des droits inaliénables. Utiliser une personne comme un objet est autrement dit une atteinte aux droits humains les plus fondamentaux. 

En quoi l'action de votre association Hors la rue s'inscrit dans une démarche par les droits ? (de façon concrète à travers quelques actions précises)

Les actions de Hors la Rue sont principalement adressés à des enfants et s’inscrivent sous l’égide de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant, qui établit que les enfants disposent également de droits inaliénables, dans le prolongement des textes internationaux garantissant les droits humains. La CIDE proclame ainsi un droit inaliénable à la protection pour tous les enfants, sans distinction de nationalité et non lié par exemple à la situation administrative des parents. Ainsi, que ce soit dans les procédures pénales où ils sont visés en tant qu’auteurs, ou bien s’agissant de la mise en œuvre des mesures d’assistance éducative, nous veillons à ce que les mineurs que nous repérons ne bénéficient d’un traitement différencié, qu’ils soient correctement informés de leurs droits et que les institutions veillent à personnaliser leur approche, sans céder aux réflexes globalisants. 

Il s’agit notamment d’éviter que certains soient traités comme des « migrants » alors que nos engagement internationaux et notre droit interne, découlant des textes garantissant le respect des droits humains, imposent de les traiter comme des enfants. 

La CIDE consacre aussi le droit aux loisirs : c’est un sujet important pour nous. Les parcours d’errance privent souvent les mineurs victimes de traite de moments où ils peuvent laisser leur imaginaire prendre le pouvoir : monter en haut de la tour Eiffel, faire une croisière en bateau mouche sur la Seine, aller au cinéma ou prendre le temps de faire un dessin peuvent paraître comme des activités banales. Elles participent cependant grandement à restaurer la dignité de ces enfants, atteinte non seulement par les individus qui les exploitent, mais aussi par les barrières que notre société place sur l’accès aux loisirs pour ces jeunes en errance. 

Quels sont les principaux sujets actuels de plaidoyer que vous menez auprès des institutions ? seuls ou avec d'autres ?

Il y a quelques années, le sujet des mineurs victimes de la TEH était confidentiel et négligé par les autorités. Désormais, nous observons que la prise de conscience est effective. Les yeux se sont ouverts sur certaines situations spécifiques. Cette attention accrue a permis ces dernières années de mener et de gagner des combats dans les tribunaux. Des mineurs ont été reconnus victimes, leurs exploiteurs condamnés. Mais ces « victoires » sont autant de nouvelles portes ouvertes et entrainent la découverte de nouveaux défis et de nouvelles difficultés : comment informer les jeunes de l’impact de ces décisions en s’assurant qu’ils comprennent les décisions de justice ? Comment faciliter l’accès aux réparations financières dès lors que leur exploitation reposait sur des états civils modifiés pour favoriser leur invisibilité ? Comment assurer une stabilité administrative une fois la majorité atteinte ? Comment prendre en compte les effets souvent à long terme des phénomènes d’emprise et d’exploitation dont ont été victimes des jeunes qui n’auront jamais de parcours linéaire ? 

Les combats restant à mener sont nombreux, mais maintenant que le phénomène de la traite des mineurs est visibilisé, il est désormais impossible de les ignorer.

Association Hors la Rue

Objectif
Depuis 2004, Hors la Rue a pour objectif d’accompagner les mineurs étrangers en danger vers le droit commun, parmi lesquels des mineurs présumés victimes de traite des êtres humains

3 missions principales
Repérer les mineurs étrangers en danger,
Accompagner les jeunes vers le droit commun
Participer à une meilleure connaissance et prise en charge des problématiques des jeunes accompagnés par l'association.

3 modalités d’actions
Des maraudes quotidiennes effectuées par une équipe pluridisciplinaire sur les lieux d’activité, de pause, d’errance et de vie.
Un centre d’accueil de jour.
Des permanences psychosociales en détention auprès de mineurs déjà rencontrés en rue par l'association, en partenariat avec la Protection  Judiciaire de la Jeunesse.


Interview réalisée par Geneviève Colas, auprès de Guillaume Lardanchet, Directeur de Hors la Rue.