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Accompagner les mineurs victimes de traite non demandeurs de protection

Le 25 juin dernier, une journée d’étude et d’échange a eu lieu sur le thème de la prise en charge des mineurs en danger, victimes de traite ou à risque de l'être, qui ne sont pas demandeurs de protection. Elle a réuni de nombreux professionnels de la protection de l’enfance ou de l’accompagnement des victimes de traite.

La journée organisée par l'association Hors la Rue a rassemblé 120 personnes en présentiel et 80 en Visio. Parmi ceux-ci : 

  • Du personnel judiciaire (parquetiers, procureurs, avocats, policiers de la brigade de protection des mineurs)
  • Des représentants de la MIPROF, du Défenseur des droits
  • Des professionnels de santé (psychologues et médecins)
  • Des associations spécialisées dans l’accompagnement des victimes de traite 
  • Des professionnels de l’Aide Sociale à l’Enfance, , de la Protection Judiciaire de la jeunesse

La matinée était consacrée aux difficultés rencontrées par les professionnels pour accompagner les mineurs qui ne sont pas en demande de protection ou qui ont des demandes qui ne correspondent pas nécessairement aux attentes des professionnels de la protection de l'enfance. 

Elle s’articulait autour :

  • D’interventions de différents professionnels de la protection de l’enfance, de psychologues, de sociologues et de professionnels spécialisés dans l’accompagnement des mineurs victimes de traite.
  • De témoignages audios de mineurs accompagnés par Hors la Rue sur leur parcours
  • De tables rondes pour échanger sur le sujet

L’après-midi était dédiée à la présentation de dispositifs innovants de prise en charge de mineurs en danger, français ou étrangers :

  • Le centre d’accueil Espéranto en Belgique, spécialisé dans l’accompagnement des mineurs présumés victimes de traite
  • Le projet N.A.V.e de la municipalité de Venise qui a créé un service dédié à l’accompagnement des victimes de traite
  • Le système de protection de l’enfance en Suède, qui a une approche différente du système français quant à la question de la contrainte, notamment aux soins.
  • Le centre d’accueil de l’association Koutcha pour mineurs victimes de traite sous toutes ses formes.
  • Un Etablissement de Placement Educatif en Essonne qui peut orienter certains mineurs dans un réseau de fermes situées dans d'autres départements.

> Télécharger le programme de la journée

Travailler ensemble pour favoriser la libre adhésion des mineurs

Au cours de son parcours, un mineur victime de traite rencontre de nombreux acteurs. 

Quand ces derniers sont coordonnés et l’orientent ensemble vers un dispositif d’accueil adapté, le jeune a plus de facilité à adhérer à la proposition d’accompagnement et augmente ainsi ses chances de s’inscrire positivement dans un projet d’insertion sociale.

Au niveau institutionnel, ces dernières années ont permis de mettre en place des référents traite Dans certains Parquets et parmi les juges des enfants. Ils travaillent conjointement auprès des mineurs et sont également en lien avec les acteurs de la société civile et de la protection de l’enfance. Cependant, des progrès sont encore possibles dans le domaine de la coopération interacteurs, notamment pour harmoniser cette collaboration sur l’ensemble du territoire français.

La journée d’étude a permis de mettre en relation différents acteurs institutionnels et associatifs dans le but de faciliter la coordination entre eux sur le terrain lors de l’accompagnement des mineurs en danger.

Par ailleurs, les mineurs victimes de traite sont fréquemment amenés à se déplacer entre différents pays. Dans le cadre de leur prise en charge, la coopération internationale est essentielle. 

Lors de cet événement, des liens ont été créés entre intervenants étrangers et professionnels français et viennent renforcer la collaboration internationale.

Elargir les possibilités d’orientation des victimes

Le centre Esperanto en Belgique, celui de Koutcha en France et un réseau de fermes vers  lequel sont orientés ces mineurs peuvent être des solutions d’accueil particulièrement adaptées aux mineurs victimes de traite. Néanmoins, elles sont encore méconnues de certains acteurs concernés par la prise en charge des mineurs en danger.

La présentation de dispositifs innovants au cours de la journée ouvre des portes vers d’autres possibilités d’orientation des mineurs pour les professionnels les accompagnant.

Des centres spécialisés dans l’accueil des victimes de traite

En France, les services de protection de l’enfance ne sont pas toujours adaptés aux mineurs victimes de traite. Ces profils de jeunes ont besoin d’un accompagnement soutenu incluant des soins, un suivi psychologique et un accompagnement social et juridique. Ces éléments sont souvent absents des dispositifs classiques généralement proposés à ces personnes. 

Par ailleurs, l’incarcération quasi systématique de ces mineurs diminue d’autant leur chance de s’investir dans un projet d’intégration.

De ce fait, les jeunes n’adhèrent pas aux solutions qui leur sont proposées et n'ont pas d'autre choix que de rester dans leur situation d’exploitation auprès de leur communauté, malgré les violences et abus subis. Ce constat peut de surcroit être très désarmant pour les personnes qui les accompagnent.

Lors de cette journée, la présentation de dispositifs spécialisés dans l’accompagnement des mineurs en danger, français ou étrangers, a permis aux acteurs présents de prendre conscience de l’existence de solutions différentes et de s’en inspirer.

Par exemple, les centres Esperanto et de Koutcha proposent un accueil spécialisé pour les victimes de traite, intégrant un accompagnement social, juridique, psychologique et sanitaire spécifique dispensé par une équipe de professionnels formés aux problématiques de la traite.

Loin de la ville, de ses tentations et de la délinquance, le placement en ferme dans un environnement familial comme le propose ponctuellement l’Etablissement de Placement Educatif en Essonne, permet au jeune d’éloigner les addictions, de se libérer de l’emprise et de se recentrer sur soi. Le travail en ferme peut jouer un rôle salvateur au niveau de la reconstruction du mineur. 

Ces solutions donnent concrètement plus de chances aux jeunes de se délivrer de l’emprise, de se reconstruire et de se réinsérer. Elles nécessitent du temps et des moyens, mais obtiennent de bons résultats auprès des mineurs.

Prendre en compte les traumatismes dans l’accompagnement

Généralement, un mineur n’est pas enclin à adhérer à un placement qui l’éloigne de sa communauté. La question se pose alors de travailler son adhésion une fois qu’il est placé.

Objectivés depuis leur enfance, les mineurs victimes de traite ne se considèrent souvent pas comme sujets de leur propre vie. Soumis à des mécanismes d’emprise et de conflit de loyauté par rapport à leur communauté ou leurs exploiteurs, ils ne sont pas libres de sortir de l’exploitation pour se réaliser dans un autre projet de vie. 

Cette aliénation prend souvent racine dans les violences et abus subis dans l’enfance, créant de véritables traumatismes psychologiques chez ces jeunes. Ils ont alors tendance à reproduire mécaniquement ce qu’ils ont vécu.

Ces mécanismes psychologiques ont été décrits et détaillés lors de cette journée par des psychologues spécialisés sur le sujet. Ces interventions ont donné des clefs aux professionnels en contact avec ces jeunes pour mieux les comprendre et les accompagner. 

Pour ces mineurs, proposer une réponse uniquement sociale ne répond pas à leurs besoins. Un accompagnement psychologique de fond est nécessaire. Il demande du temps, mais tant que cette dimension n’est pas prise en compte, le jeune ne peut envisager de s’extraire de sa situation. 

Ce travail psychologique est à mettre en place en amont et en aval du placement afin d’aider le mineur à prendre conscience de sa situation d’exploitation et de la possibilité d’un autre avenir dans lequel il peut s’investir.

En savoir plus sur le colloque d'Hors la Rue


Association Hors la Rue

Objectif
Depuis 2004, Hors la Rue a pour objectif d’accompagner les mineurs étrangers en danger vers le droit commun, parmi lesquels des mineurs présumés victimes de traite des êtres humains

3 missions principales
Repérer les mineurs étrangers en danger,
Accompagner les jeunes vers le droit commun
Participer à une meilleure connaissance et prise en charge des problématiques des jeunes accompagnés par l'association.

3 modalités d’actions
Des maraudes quotidiennes effectuées par une équipe pluridisciplinaire sur les lieux d’activité, de pause, d’errance et de vie.
Un centre d’accueil de jour.
Des permanences psychosociales en détention auprès de mineurs déjà rencontrés en rue par l'association, en partenariat avec la Protection  Judiciaire de la Jeunesse.


Article écrit en collaboration avec Julie Jardin, chargé de mission de lutte contre la traite à Hors la Rue