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Agir contre la traite des êtres humains en développement, au Népal, pendant la crise Covid -19

La crise du Covid 19 au Népal

La situation sanitaire
Fin mai 2020, il y avait environ 800 de cas de porteurs du Coronavirus identifiés au Népal. Parmi eux, seulement 4 victimes directes du virus. La plupart des cas sont des indiens résidant au Népal qui avaient franchi la frontière début 2020 ou des Népalais venus d'Inde. 
La crise sanitaire semble donc relativement modérée et assez bien maitrisée. Les personnes malades sont rapidement repérées, soignées et testées. Les infrastructures de santé étant très modestes dans ce pays, c’est une chance. 

Les mesures de confinement
En revanche, le confinement mis en place depuis le 23 mars est assez strict et il est toujours en vigueur en mai. Les habitants n’ont pas le droit de sortir de chez eux à part pour leurs courses essentielles. Des violences policières ont été observées à l’encontre de ceux qui ne respectent pas les mesures à suivre. 

Les conséquences du confinement

Une crise socio-économique grave en perspective
A Katmandou, la majorité des habitants travaillent dans une économie informelle qui souffre profondément de la situation. Il se profile une crise socio-économique grave dans un pays où il n’y a quasiment pas de protection sociale. De plus, les principales ressources du Népal sont en train de s’effondrer. Le tourisme est à l’arrêt et une partie importante de la diaspora népalaise qui procure une grande partie de la richesse du pays se retrouve sans emploi ou contraints de rentrer. De plus, l’aide internationale risque de s’amenuiser car chaque pays devra aussi assurer la gestion de sa propre crise sanitaire. 

Planète Enfant & Développement a publié une tribune sur le sujet sur l'Obs.fr :  Lire la tribune
Elle dépeint la situation particulièrement difficile au Népal en mentionnant l’aide internationale dont le pays aura besoin pour s’en sortir.

La problématique des migrants
Beaucoup d'hommes et de femmes victimes d'exploitation au travail dans les pays du Golfe ont été renvoyés chez eux sans indemnités. Certains ont été emmenés dans des centres, soi-disant en vue d’un dépistage. 

En réalité, ce sont de véritables centres de rétention dans lesquels ils sont entassés avec à peine de quoi manger. 

Des impacts sur des populations exploitées et particulièrement vulnérables à la traite
A Katmandou, les jeunes filles et femmes travaillant dans les bars, restaurants ou instituts de massage, souvent victimes d'exploitation sexuelle, se sont retrouvées sans revenu en raison de la fermeture des établissements.
 

Beaucoup ont quitté la ville pour rejoindre leur famille au village afin de survivre grâce aux récoltes et à l’élevage. Mais la plupart n’ont pas pu effectuer le déplacement avant le confinement et se retrouvent bloqués en ville dans des conditions très précaires.

Un contexte favorable à la traite

La traite interne reportée à l’étranger
Les femmes vivant de la prostitution et se retrouvant sans revenu à Katmandou risquent d’être victimes d’autres réseaux de traite les exploitant à l’étranger, notamment en Inde.  Même si la société civile et ses travailleurs sociaux restent en lien étroit avec elles par téléphone, et essaient de subvenir à leurs besoins financiers, leur vulnérabilité est grande.

La résurgence de traditions culturelles favorisant l’esclavage des enfants
En zone rurale, ces temps de crise peuvent favoriser la recrudescence d’un phénomène qu’on appelle parfois "Kamalari". Il consiste à confier son enfant à une famille un peu plus riche pour qu’il soit pris en charge. 

Malheureusement, l’enfant devient souvent corvéable à merci compte tenu des importants besoins de main d’œuvre à la campagne. Les enfants ne sont pas scolarisés et sont parfois violentés.

Cette pratique ancestrale est interdite par la loi mais perdure dans des lieux isolés.

Certaines familles pourraient aussi avoir recours à des mariages précoces pour faire face à des difficultés financières. Cela concerne des filles qui n’ont parfois pas encore 16 ans. C’est une façon d’avoir une bouche de moins à nourrir et de confier son enfant à quelqu’un qui pourra subvenir à ses besoins.

La réponse de l'association Planète Enfants & Développement

Des spots radio de prévention
La radio est utilisée pour diffuser des messages sanitaires, accompagner les parents dans la gestion de leurs enfants pendant cette période, prévenir les violences et châtiments corporels dans les familles en raison de la promiscuité. 

Des rappels sur les réalités de la traite sont effectués, en invitant les personnes vulnérables à rester prudentes face aux propositions des réseaux, d’autant plus tentantes dans cette situation de crise.

Un lien étroit avec les plus vulnérables
Les travailleurs sociaux restent en lien étroit avec les bénéficiaires par téléphone. 
Le gouvernement a également mis en place une hotline destinée à accompagner les personnes ayant été en contact avec la Covid 19. 

Cependant, il est arrivé que cette permanence soit utilisée pour exprimer des problématiques de violence familiale en ces temps de crise.

L’aide alimentaire et financière
Sur l'injonction du gouvernement, certaines municipalités ont mis en place des distributions alimentaires et financières. Mais elles sont réservées aux personnes qui ont des papiers et qui résident dans la municipalité. 

Toutes les personnes sans-papier travaillant dans le secteur des loisirs ou qui vivent dans les bidonvilles n’ont pas accès à ces aides. 

 

Planète Enfants & Développement

Planète Enfants & Développement est une association de loi 1901 de solidarité internationale apolitique et non confessionnelle, qui consacre ses projets aux enfants vulnérables et vise à leur offrir les conditions nécessaires à leur bien-être et à leur épanouissement.

Sa vision est de construire un monde dans lequel les enfants sont protégés de toute forme de violence et d’exploitation et s’épanouissent au sein de leur famille et de leur communauté.

Née en 2016 de la fusion de deux associations, Planète Enfants, fondée en 1992 et Enfants & Développement, fondée en 1984, l'association est forte d'une importante expertise dans les domaines de la petite enfance, de la santé maternelle et infantile, de l'insertion socio-économique des jeunes, l'accompagnement social des familles et la protection des femmes et des enfants contre les violences. Implantée dans 4 pays depuis plusieurs années, elle agit dans des contextes et avec des populations qu’elle connait bien : au Cambodge depuis 1984, au Vietnam depuis 1993, au Népal depuis 1997 et au Burkina Faso depuis 2004.

Au Népal, l'association mène plusieurs projets de lutte contre la traite des êtres humains, et a mis en place des mécanismes de prévention, de sensibilisation des populations, et d'accompagnement des victimes. L'association est notamment très présente auprès des jeunes femmes exploitées, qu'elle accueille dans des centres d'hébergement et lors de permanences. Son action vise à renforcer l'autonomie des femmes, l'amélioration des services existants, et le renforcement des capacités des acteurs locaux de la protection de l'enfance.

Forte de cette expertise acquise au Népal, Planète Enfants & Développement mène désormais des activités de sensibilisation et de plaidoyer pour lutter contre la traite des êtres humains en mobilisant la société comme les pouvoirs publics. Elle est membre du collectif de lutte contre la traite depuis 2010.
Car l'association a toujours accordé une attention particulière aux phénomènes de violence pouvant toucher les populations avec lesquelles elle travaille, elle désire désormais étendre ces projets spécifiques de lutte contre la traite à tous les pays avec lesquels elle travaille.

 


Article rédigé après interview de Stéphanie Selle, Directrice Népal de l'association Planète Enfants & développement