Coordination : Geneviève Colas - genevieve.colas@secours-catholique.org - 06 71 00 69 90

Un chemin de libération pour des personnes victimes de traite à des fins d’exploitation sexuelle

Depuis 2016, la mise en place des parcours de sortie de prostitution offre aux personnes victimes de traite des êtres humains l’opportunité de s’extraire de l’exploitation sexuelle pour s’insérer dans la société. 

Le temps du parcours, elles bénéficient d’une allocation et d’une autorisation provisoire de séjour renouvelée tous les 6 mois qui leur permettent de ne plus dépendre des exploiteurs pour vivre. Le dispositif prévoit un accompagnement social, des formations et des cours de français en vue de leur reconstruction et de la réalisation de leur projet professionnel. Au bout de 2 ans, sous réserve de l’obtention d’un contrat de travail, elles obtiennent un titre de séjour de 10 ans.

Le lien social comme déclencheur incontournable

Les personnes victimes de traite à des fins d’exploitation sexuelle ayant vécu des parcours d’exil, doivent surmonter de nombreuses difficultés avant de pouvoir imaginer refaire leur vie. Maltraitées et déconsidérées pendant de longues années, elles ont été privées de liberté et leur existence a été bafouée. A cela s’ajoute les traumatismes de l’exploitation sexuelle. Enfin, l’emprise des exploiteurs les place dans une situation de crainte et d’isolement par rapport au monde extérieur.

De ce fait, seule, une personne victime d’exploitation sexuelle a très peu de chance de sortir de l’exploitation. Par ailleurs, quand cela est possible, elle a besoin de temps pour effectuer un véritable cheminement intérieur avant de se projeter dans une démarche d’insertion sociale.

En moyenne, l’entrée dans un parcours de sortie de prostitution fait suite à 19 mois d’accompagnement.

Pour les personnes victimes de traite, au-delà des questions matérielles et de santé, qui peuvent être un déclencheur pour entrer en contact avec une association et déboucher sur un suivi sanitaire et social, il faut premièrement rompre l’isolement social dans lequel les personnes victimes se trouvent. 

Habituées aux relations tarifées, tisser des liens de confiance gratuits est le premier élément qui leur permet d’exister en dehors de leur statut de personne exploitée et de découvrir la possibilité d’une autre vie.

La première étape est donc de reconstruire des liens sociaux naturels et positifs en dehors des réseaux de traite. C’est pourquoi les visites au bois, les activités sportives, ludiques et artistiques, les permanences, les cours de français, les sorties, les séjours mis à disposition par les associations sont si importants. Ils sont proposés totalement gratuitement et ne nécessitent aucun engagement de la part des participantes. 

Ce sont autant d’occasion d’établir une relation saine avec des personnes de différents horizons, qui permettent aux personnes de reprendre un peu de confiance en l’autre et en elle, et qui ouvrent petit à petit un nouvel horizon en dehors du réseau.

L’étape d’après est un investissement plus régulier dans des activités parfois plus exigeantes proposées par l’association, comme l’atelier couture. 

Cela permet aux femmes de tester leur capacité à s’engager dans un projet et d’avancer sur le plan de leur autonomie.

Ce n’est qu’ensuite que la force de sortir de l’exploitation et de construire un projet professionnel à travers le parcours de sortie de prostitution peut germer.

Un projet d’insertion exigeant

Bien qu’il soit clairement une opportunité dont peuvent se saisir les victimes, les parcours de sortie de prostitution demandent un fort investissement des personnes accompagnées et de l’association. Tous deux s’engagent conjointement pour mener à bien ce projet d’insertion social et professionnel.

Les victimes ont deux ans, à partir du moment où elles entrent dans le parcours, pour se former, et décrocher un contrat de travail.

C’est un délai très court pour ces femmes qui ont en parallèle toute une reconstruction individuelle à réaliser. 

En cela réside l’importance de l’accompagnement des associations en amont de l’entrée dans un Parcours de Sortie de Prostitution. Il permet de préparer les personnes, d’instaurer une relation de confiance avec les équipes, afin que les femmes se sentent soutenues tout au long du processus et même au-delà.

Mais au bout du compte, la grande majorité des personnes qui entament le parcours vont jusqu’au bout et réussissent à s’intégrer professionnellement et socialement.

Un chemin à parcourir dans la liberté

Les personnes qui ont vécu l’exploitation ont été cruellement privées de liberté. Tout au long de l’accompagnement, il est fondamental qu’elles puissent pleinement exercer leur liberté et redevenir actrices de leur propre vie.

Leur reconstruction personnelle passe par là. C’est la seule démarche qui permette aux personnes victimes d’envisager un nouvel avenir de façon durable.

Par ailleurs, l’insertion professionnelle et sociale dans un univers tout nouveau pour ces femmes peut devenir angoissant et source de pression. Si ce nouveau choix de vie ne vient pas d’elles-mêmes, elles abandonneront le projet.

La sortie d’exploitation est avant tout un chemin de libération, qui ne peut donc s’entreprendre que dans la liberté.

parcours

Le parcours de sortie de prostitution : une étape vers l’insertion sociale

Le Parcours de Sortie de Prostitution s’inscrit dans une démarche globale de suivi. C’est une étape indispensable qui répond à des besoins matériels, sociaux et psychologiques pour permettre à la personne de reprendre sa vie en main et de s’intégrer socialement.

Seulement, ce n’est pas une finalité et l’accompagnement ne s’arrête pas à la réussite du parcours. Le vécu traumatique de ces personnes est profond et peut refaire surface dans des moments difficiles. Les rechutes sont possibles. A ce moment, les femmes ont besoin d’un soutien inconditionnel, qui les dégage de toute forme de pression, de la part de personnes de confiance pour ne pas baisser les bras et se relancer dans leur projet de vie.

Aux captifs, la libération

L’association Aux Captifs, la Libération est née en 1981 pour aller vers les personnes à la rue en situation de précarité à l’intérieur de Paris, aux Bois de Boulogne et Bois de Vincennes ; avec aujourd’hui 25 maraudes hebdomadaires à destination des personnes en situation de rue ou/et d’exploitation sexuelle ou de prostitution, parfois victimes de traite des êtres humains.
Elle a aussi des équipes bénévoles à Bordeaux, Lyon et Nîmes.

Le cœur de sa mission est d’aller à la rencontre des personnes sur leur lieu de vie et ou d’exploitation. L’idée est d’aider chacun et chacune à construire un projet de vie, pouvant aller jusqu’à la sortie de la prostitution.

Les équipes de bénévoles et de salariés ont développé une expertise dans la rencontre, l’identification, l’accueil et l’accompagnement des personnes.

L’association propose également des permanences d’accueil et un accompagnement global à travers accompagnement social, accès au soin et au droit grâce à un maillage associatif adapté.

Les propositions de l’association vise à favoriser la liberté de choix des personnes dans leurs parcours. L'association déploie des activités de mobilisation /dynamisation ainsi que des séjours de rupture, comme autant de leviers de reconstruction vers une capacité à exercer sa liberté voire une insertion.

L’identification spécifique des victimes de traite aux fins d’exploitation sexuelle, mineures et majeures, est une des priorités de l’association ; tout comme la sensibilisation des pouvoirs publics et de la société aux problématiques liées à la traite.

L’association est agréée depuis trois ans par l’Etat pour accompagner des parcours de sortie de traite à des fins d’exploitation sexuelle et de prostitution.


Article écrit en collaboration avec : 
Adeline Chastenet : travailleuse sociale à Aux captifs, la libération
Louise Decarrere : responsable d’antenne à Aux captifs, la libération