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La parole des victimes

La traite des êtres humains est un milieu entouré et marqué par le mensonge. Dans ce contexte, la parole des victimes joue un rôle important pour remettre un peu de vérité et de visibilité sur la réalité de l’exploitation. 

La parole, une thérapie

Au cours de l’exploitation, les victimes se voient renier leur qualité d’être humain et de sujet de leur histoire. Leur rendre la parole, les écouter et les croire, c’est leur redonner ce statut.

Le fait de remettre des mots sur leur vécu les reconnecte avec leurs émotions, leur ressenti, et leur propre vérité qu’elles ont souvent enfouis.

A partir de là, elles peuvent commencer à comprendre la réalité de leur histoire, se l’approprier et entamer une reconstruction. C’est un moyen pour elles de reprendre la main sur leur vie.

Témoigner pour les autres victimes 

Les témoignages jouent un rôle déclencheur important auprès des victimes de traite. Ils les aident : 

  • A se reconnaitre victime si elles sont dans une situation de traite similaire
  • A les encourager à sortir de l’exploitation
  • A entrevoir la possibilité concrète d’un parcours de sortie dans lequel elles peuvent espérer

Le témoignage, un plaidoyer

Les témoignages des victimes permettent de rendre visibles la violence et les souffrances liées à la traite aux yeux du monde politique et de l’opinion publique. Ils sont particulièrement importants pour remettre un peu de vérité sur l’image presque glamour de la prostitution véhiculée par les médias par exemple.

Ces témoignages ont un poids et un pouvoir politique de transformation très forts et suscitent la mobilisation pour lutter contre ce phénomène. C’est un élément de plaidoyer important.

Les difficultés de témoigner pour les victimes

  • Les victimes de traite ont toutes un passé traumatique. Le fait de livrer leur propre récit fait ressurgir les violences et souffrances vécues, ce qui peut être très perturbant. 
  • De plus, l’exploitation a souvent altéré toute forme de confiance dans la relation. Celle-ci est à retrouver avant d’imaginer recueillir un témoignage authentique.
  • Dans la prostitution en particulier, la peur d’être jugée et la honte sont permanentes, ce qui n’invite pas les victimes à délivrer leur histoire.
  • Pour toutes les formes de traite, la crainte d’être prise en pitié ou la condescendance les empêche de se livrer.
  • En général, les victimes sont prêtes à témoigner quand elles ont pu prendre un peu de distance par rapport à leur vécu, qu’elles ont eu l’occasion de le comprendre, de le dépasser et d’avoir fait la paix avec leur histoire.

Comment inviter les victimes à témoigner ?

C’est essentiellement une question de liberté et de confiance dans la relation. Il n’y a donc pas de recette pour obtenir cela. 

Ceci étant, dans le cadre de la traite, quelques éléments simples permettent d’éviter certains écueils et peuvent créer les bonnes conditions en vue du témoignage. En voici quelques exemples.

Pour apporter son témoignage, la victime a besoin : 

  • D’être assurée de l’anonymat, si elle le souhaite
    Afin de se sentir en sécurité et de se protéger du regard des autres, surtout dans le cas d’exploitation sexuelle, la victime doit être assurée de l’anonymat de ses propos.  
  • De se sentir reconnue
    Bien que cela semble évident, il est primordial que la personne se sente considérée, écoutée et crue si l’on souhaite qu’elle nous raconte son histoire. 
  • De savoir à qui elle s’adresse
    Il est utile de prendre simplement le temps de se présenter, d’informer des objectifs de notre travail, des raisons qui nous poussent à solliciter son témoignage, de la façon dont nous allons l’utiliser…
  • De connaitre notre position sur sa situation
    Il est nécessaire de rappeler le fait que nous la considérons comme une victime (et non comme un coupable) d’un exploiteur qui a usé d’emprise et de manipulation à son encontre.
  • De se sentir totalement libre
    La victime doit être convaincue d’avoir l’entière liberté d’accepter ou de refuser notre proposition de témoigner à chaque instant de nos échanges. Elle peut également se rétracter. Il est parfois utile de déconstruire tout rapport de pouvoir qu’il peut y avoir avec la victime pour qu’elle se sente libre d’apporter ce qu’elle veut, qui sera le plus proche de sa vérité intérieure. Il ne faut donc jamais forcer la parole.
  • D’être dans un échange plutôt qu’une relation d’aide
    Par moment, c’est aussi utile de se livrer soi, de raconter un peu de sa propre histoire, et de montrer que l’on a confiance dans la capacité de l’autre à nous apporter quelque chose.
  • De prendre conscience de l’utilité de sa parole
    Il est utile de l’informer de la valeur de ses propos, en termes de lutte contre la traite au niveau politique et d’encouragement pour les autres victimes à sortir de l’exploitation

Bien sûr, il ne s’agit pas simplement d’évoquer tous ces points, mais que ceux-ci soient vécus par notre interlocuteur dans la relation que nous créerons avec lui.

"Stop à la traite" 

Un film réalisé par Patric Jean avec les équipes de l’Amicale du Nid et un groupe de femmes ayant vécu des situations de traite à des fins de prostitution qui ont voulu témoigner de leur histoire pour faire passer un message à toutes celles et ceux qui vivent encore l’exploitation sexuelle…

L’Amicale du Nid

L’association lutte essentiellement contre la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle.

Les missions de l’Amicale du Nid sont, selon ses statuts :
d’aller à la rencontre, d’accueillir et d’accompagner les personnes majeures et mineures en situation actuelle ou passée ou en risque de prostitution,
de mettre en œuvre des actions de prévention de la prostitution auprès de tous les publics,
d’accompagner les personnes accueillies et construire avec elles des alternatives à leur situation pour permettre leur insertion sociale et professionnelle,
de conduire des actions d’information, de formation et de recherche pour améliorer la connaissance du phénomène prostitutionnel, la diffuser et parfaire ses capacités à aider les personnes accueillies.

L’association refuse l’assimilation de la prostitution à un métier et souhaite développer ses missions dans un abolitionnisme cohérent qui ne pénalise pas les personnes prostituées et est renforcé par l’interdiction de tout achat d’acte sexuel.

Article rédigé en collaboration avec Juliet Christmann