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Plaidoyer à l’occasion des élections parlementaires européennes de 2009

A l’occasion des élections parlementaires européennes du 7 juin 2009, le Collectif a adressé les recommandations suivantes aux candidats français.
Cette question a, certes, connu une avancée majeure avec la ratification par la France de la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains.
Toutefois il existe encore au niveau européen de nombreux efforts à fournir.

LA LUTTE CONTRE LA TRAITE DES ETRES HUMAINS : UN ENJEU POUR LE PARLEMENT EUROPEEN

Le Collectif « Ensemble contre la Traite des Etres Humains », qui rassemble 24 ONG généralistes ou spécialisées, vous présente un ensemble de recommandations, issues des droits fondamentaux, sur la protection des victimes de traite et vous demande de bien vouloir les intégrer dans votre programme européen.

La Traite des êtres humains à l’échelle européenne :

Il existe à l’heure actuelle un arsenal de textes, dont notamment :

  • La Décision-cadre du Conseil Européen relative à la lutte contre la traite des êtres humains
  • La Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains
  • La Charte sociale européenne
  • La Recommandation 1596 relative à la situation des jeunes migrants en Europe
  • La Résolution du Parlement Européen sur la situation des droits fondamentaux dans l’UE

Au niveau européen, la traite des êtres humains est définie comme : « Le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement, l’accueil ultérieur d’une personne, y compris la passation ou le transfert du contrôle exercé sur elle (...) à des fins d’exploitation du travail ou des services de cette personne (...) ou à des fins (...) d’exploitation sexuelle (...) ».

L’ampleur du phénomène en quelques chiffres :

  • Le Conseil de l’Europe estime que la traite des êtres humains en Europe touche entre 120 000 et 500 000 personnes par an . La Commission européenne estime pour sa part à 120 000 le chiffre annuel des victimes de la traite des êtres humains en Europe occidentale.
  • L’O.I.T. estime à 1,2 million le nombre d’enfants victimes de la traite dans le monde chaque année ; en Europe, ce chiffre est estimé entre 100 000 et 200 000.
     

Nos requêtes :

1) Une jouissance effective par les victimes de leurs droits

Les droits des victimes sont énoncés par l’article 12 de la Convention du Conseil de l’Europe relative à la Lutte contre la Traite des êtres humains. Il s’agit d’assistances psychologique, matérielle et de subsistance ; de soins médicaux ; de l’accès à l’éducation pour les mineurs. Ces droits peuvent être exercés avec l’aide tant des services publics que des associations. Or, la jouissance effective de ces droits par les victimes ne peut être subordonnée à des conditions préalables telles que la dénonciation de leurs exploiteurs . De plus, lorsque les victimes témoignent contre leurs exploiteurs, elles prennent le risque de représailles. Il est donc nécessaire de les protéger spécifiquement.

Le Collectif recommande que les Etats-membres appliquent uniformément et effectivement les droits des victimes en collaboration avec la société civile locale.
 

2) Une collaboration plus effective entre les polices et les justices des Etats européens

Il est nécessaire de renforcer la volonté d’enrayer la traite des êtres humains ; ce qui implique deux éléments :

  • d’une part, la réelle sanction des auteurs ;
  • d’autre part, une meilleure collaboration des systèmes policiers et judiciaires nationaux. La traite peut être transnationale. Les victimes ne sont pas nécessairement originaires du pays dans lequel elles sont exploitées ; il est donc important qu’une coopération entre les autorités policières existe pour l’identification et la protection des victimes, pour le démantèlement des réseaux de traite et pour la répression des trafiquants qui agissent tant individuellement qu’en réseaux.

Le Collectif recommande par conséquent que les moyens donnés à Europol soient plus conséquents et que soit mise en place une meilleure collaboration entre les polices et les magistrats luttant contre les responsables de la traite.

3) Une attention spécifique aux camps aux frontières de l’Europe

Le Collectif est opposé à l’existence de tels camps, créés suite à la demande de l’Union Européenne d’endiguer la migration vers l’Europe, en raison de leur non-conformité avec l’article 5 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales.

En tout état de cause, il demande l’amélioration de la protection des victimes et l’adoption de dispositions a minima afin d’éviter le risque de traite : séparation des adultes et des mineurs isolés, actions de prévention de la traite, accès aux soins, à l’éducation et à une assistance juridique.

Dans la mesure où l’Europe a incité à l’occasion d’échanges économiques des pays aux frontières de l’Europe à créer de tels camps, le Collectif préconise que l’UE conditionne désormais ses relations diplomatiques et économiques avec ces pays, au respect des exigences précitées.

4) La prévention et la protection des victimes dans les centres de rétention en Europe

Le Parlement européen propose une harmonisation concernant l’accueil des migrants en Europe, par un accord sur le volet répressif du « Paquet immigration ».

Le Collectif appelle à la séparation des recruteurs ou exploiteurs et des victimes ou victimes potentielles ; les centres de rétention étant un lieu de recrutement propice à la traite.

Le Collectif demande que les ONG de défense et de protection des victimes de la traite aient accès aux centres de rétention et puissent aider à une prise en charge spécifique et adaptée de ces victimes.

5) La création d’un Observatoire européen

Le Collectif constate que peu de données sont recueillies et analysées s’agissant de la traite des êtres humains et de ses multiples finalités (servitude domestique, trafic d’enfants, exploitation sexuelle, trafic d’organes, ...). Or, certaines finalités, comme la traite d’êtres humains aux fins de prélèvements d’organes, nécessitent une étude ciblée et approfondie. Pour comprendre ces phénomènes, les prévenir et coordonner efficacement la lutte, il est nécessaire de disposer d’indicateurs communs à tous les pays et d’adapter ces indicateurs en fonction des finalités de traite envisagées.

C’est pourquoi le Collectif demande la création d’un observatoire européen, mettant à disposition de tous les acteurs de la lutte, des données d’ordre sociologique, judiciaire, psychologique, politique et économique.