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La recodification du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA)

Conséquences de cette recodification sur la protection des victimes de la traite des êtres humains et autres difficultés rencontrées

 

Le Collectif « Ensemble contre la traite des êtres humains » alerte le gouvernement français sur les risques de manquements à la protection des victimes.

Le Collectif « Ensemble contre la traite des êtres humains » qui regroupe en France 28 associations *, alerte les pouvoirs publics sur les conséquences de l’ordonnance n°2020-1733 du 16 décembre 2020 venant compléter la rédaction du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile CESEDA, sur la protection des victimes de traite des êtres humains. Il appelle le gouvernement à une réaction urgente.

Cette refonte, sous couvert d’une recodification, prévoit des modifications substantielles sur le fond notamment s’agissant de l’accès au séjour des victimes de traite des êtres humains.

La dernière loi asile et immigration du 10 septembre 2018

Elle prévoyait dans son article 52, de procéder à une nouvelle rédaction du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile afin d'en aménager le plan et notamment d'en clarifier la rédaction. Une ordonnance et un décret du 16 décembre sont pourtant venus modifier le droit, et entrés en vigueur ce 1er mai 2021.

Pourtant, et pour ce qui concerne notamment les personnes étrangères victimes de la traite, de nouvelles conditions ont été ajoutées pour obtenir un titre de séjour.

La nécessité de rompre les liens avec l'exploiteur

La nouvelle version de l’Article L425-1 du CESEDA (anciennement L316-1) impose à la personne victime, pour pouvoir obtenir une carte de séjour, d’avoir rompu tout lien avec l’exploiteur.. C'était un élément prévu dans la partie règlementaire, mais cette condition qui date de 2007 n’a pas fait l’objet de modifications et n’a donc pas évolué avec les textes de loi qui eux, ont été modifiés dans le sens de la protection des victimes.

Sur quels critères les préfectures vont elles se fonder pour dire si dans telle ou telle situation la personne a effectivement rompu le lien avec l’exploitant ?

Avoir un titre de séjour pour prétendre à une carte de résident

Par ailleurs, les personnes victimes qui ont porté plainte et pour lesquelles il y a une condamnation définitive de la personne mise en cause devront dorénavant bénéficier d’un titre de séjour pour prétendre à une carte de résident, comme l’indique la nouvelle version de l’Article L425-3.

Quand nous savons à quel point il est difficile d’obtenir un titre, cette nouvelle condition va empêcher les rares victimes de traite qui obtiennent gain de cause de bénéficier d’un titre stable et pérenne.

Ces nouvelles conditions, ajoutées sans aucun débat législatif, présentent des conséquences non négligeables pour les victimes étrangères. Sans droit au séjour, il est effectivement plus difficile de sortir de l’emprise, bénéficier d’un suivi social, travailler, avoir un hébergement, même d’urgence, et ainsi sortir de la précarité et de la vulnérabilité qui sont pourtant des facteurs facilitant l’exploitation d’autrui.

En 2020, seules 140 cartes de séjour "Traite des êtres humains" ont été délivrées en France, toutes formes d'exploitation confondues, alors que nos associations ont constaté une augmentation des situations de traite des êtres humains pendant la crise sanitaire.

C’est pourquoi, le Collectif demande de maintenir certaines conditions qui permettaient la protection des victimes de traite à savoir:

  1. Que soit retirée la mention du lien rompu avec l’auteur dans les conditions d’obtention du titre de séjour.
  2. Qu’en cas de condamnation définitive de la personne mise en cause une carte de résident soit délivrée, de plein droit, à la victime, sans condition de séjour régulier préalable. 

L'accès à l'allocation des demandeurs d'asile (ADA)

L'ordonnance maintient, à l'article L.425-2, l'attribution de l'allocation des demandeurs d'asile ADA aux victimes titulaires de la carte de séjour (prévue à l'article L.425.1).

Au delà du fait que ces dispositions excluent toutes les victimes ne s'engageant pas dans une perspective de coopération avec les autorités judiciaires, le bénéfice de l'allocation est trop tardif. La délivrance du titre de séjour intervient après le dépôt de la demande de titre de séjour et son examen par la préfecture (période pendant laquelle la victime se verra remettre un récépissé de demande de titre de séjour). Or, certaines préfectures délivrent systématiquement des récépissés de 6 mois,  le temps d'instruction de la demande et la délivrance du titre intervient donc dans ce délai. Ce qui implique que la victime reste sans aucune ressource pendant cette période.

C ’est pourquoi, le Collectif continue de demander

  1. Que le bénéfice de l'ADA puisse intervenir rapidement ,dès délivrance du récépissé de dépôt de demande de titre de séjour L.425-1 pour une meilleure  protection des victimes 
Le Collectif rappelle aux pouvoirs publics que la France est signataire de la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains et se doit d’assurer tous les moyens de protection des victimes de traite, dont l’accès au séjour (article 14), qui prévoit la délivrance d’un permis de séjour aux victimes de la traite à la fois en raison de leur situation personnelle et en raison de leur coopération aux fins d’une enquête ou d’une procédure pénale.

Les associations, avec les victimes de traite,  souhaitent être consultées pour que, dans les faits, ces dernières voient leurs droits respectés. En effet la complexité des textes ne favorise pas leur appropriation par les services de l'Etat et rend l'accompagnement des personnes exilées par les associations comme par les institutions, ardu.