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La musique opère

En 2018, l’association Hors la rue a proposé à une vingtaine de jeunes victimes de traite d’écrire et de composer un album de musique.

L’histoire commence dans un square. C’est ici que des jeunes, originaires de Roumanie, viennent habituellement faire une pause dans leur journée rythmée par les délits qu’ils sont contraints de commettre pour leurs exploiteurs. 

C’est ici que Moustapha Ezziadi et Paul Chevalier, éducateurs à Hors la rue, aidés de Pierre De Mereles, musicien, sont allés à leur rencontre. Ils leur ont tendu un stylo, du papier et un micro, et ont enregistré leurs compositions à l’aide d’un studio portatif.

Il faut savoir que ces jeunes écoutent beaucoup de musique, surtout du rap. Ce sont vraiment des fans. On les trouve souvent avec des enceintes dans la rue. C’est comme cela que nous est venue l’idée de leur proposer de faire leur propre musique. Ils ont rapidement adhéré. Ils nous ont demandé la feuille et le stylo en nous disant : je vais écrire mon rap. Ensuite, la vision du matériel, le micro, le casque, ça leur donne immédiatement envie d’essayer. (Moustapha Ezziadi)

L’activité a commencé par un atelier d’écriture durant lequel les jeunes ont pu évoquer librement des sujets qui leur tiennent à cœur : un ami incarcéré, un frère ou des cousins en détention, des dédicaces pleines d’émotions. Petit à petit, ils se sont mis à nu, ont raconté leur vécu, ont écrit leurs chansons. Enfin, ils ont choisi parmi les samples proposés par Pierre celui qui fera la base musicale de leur rap, avant de passer à l’enregistrement. Le résultat, en Romanes, est assez surprenant, entraînant, touchant.

Nous étions fiers de les voir sortir de leur activité de délinquance pour se consacrer à la création musicale. Elle se déroulait durant leur pause quotidienne. Celle-ci ne dépasse habituellement pas plus d’une demi-heure. Mais dans ce cadre, nous avons passé des après-midis entiers en musique avec ces jeunes. Aujourd’hui encore, ils nous demandent quand est-ce qu’on recommence. (Moustapha Ezziadi)

Des jeunes qui se sont découverts à travers la musique

Avec Pierre, nous nous étions fixés pour objectif de permettre aux jeunes de s’exprimer sur leur vécu, leur vie actuelle, leurs aspirations en utilisant la musique et l’écriture. Nous tenions à proposer cette activité dans la rue, sur le lieu de vie de ces adolescents. Le but était aussi qu’ils puissent se découvrir d’une manière ludique en s’investissant dans une activité créative et valorisante. (Moustapha Ezziadi)

Au final, cette activité a créé une grande liberté dans la relation entre ce groupe de jeunes et les éducateurs.
Le lien qui existait déjà avant a été grandement renforcé, essentiellement au niveau de la confiance mutuelle. Beaucoup de sujets impossibles à aborder jusque là sont apparus dans les échanges.
Avant ce projet, les adolescents déclinaient généralement les propositions d’activités faites par les éducateurs. Après celle-ci, ils ont pris l’habitude de venir librement et régulièrement au centre de jour d’Hors la rue pour participer aux activités. 

Le fait d’avoir investi un cadre créatif et d’être allé au bout du projet fut très structurant et valorisant pour ces jeunes victimes de traite.
Les éducateurs ont pu se projeter avec eux dans le temps à travers une activité qui demande lâcher prise, confiance et persévérance. 

On a l’impression d’avoir redonné une place d’enfant et d’adolescent aux jeunes à travers ce projet. Et en même temps, ils se sont vraiment sentis exister et valorisés par cette activité. Nous avons même été étonnés de leur ponctualité et de leur investissement. En général, ils ne tiennent pas un rendez-vous. Et là, chaque jeudi, c’est eux qui, à 14h, nous attendaient dans le square pour rapper. (Moustapha Ezziadi)

Pour les éducateurs, la musique a été un vecteur pour découvrir ces jeunes.
Pour ces adolescents, qui ont souvent une vision très dégradée d’eux-mêmes, cette activité a été la preuve de ce qu’ils sont capables de faire, et tout cela à l’intérieur d’un cadre structurant et créatif.

La musique a opéré (Moustapha Ezziadi)

Le live
Le 5 décembre 2018, au Rev’café de Montreuil, Hors la rue a organisé une soirée dédiée au projet « Joue ta Zik 2.0 ».  A cette occasion, les jeunes ont joué un extrait de leurs productions collectives à un public composé d’amis et de partenaires associatifs. Ponctuation d’une aventure marquante pour ces adolescents.

L’association Hors la rue

Sa mission principale est d’accompagner les enfants étrangers en danger en créant de la relation avec ceux qui n’ont aucun lien social, qui ne sont pas scolarisés et souvent victime de traite.
Hors la rue a un centre de jour à Montreuil et des activités de maraudes quotidiennes avec une équipe de rue pluridisciplinaire (éducateurs, psychologue, art-thérapeute, professeure de français langue étrangère) qui va à la rencontre des jeunes, les plus invisibles, les plus éloignés du droit commun dans toute la région parisienne.
Au centre de jour, l’équipe propose aux enfants des activités éducatives, sportives, culturelles, artistiques, ludiques et conviviales. A travers celles-ci,elle contribue à lutter contre la traite des êtres humains.
Le centre est ouvert à tous sur libre adhésion. Hors la rue accorde une place importante à l’accès à la culture. Par des activités ludiques, artistiques et culturelles, l’association offre la possibilité à ces jeunes de jouir de leur droit à l’enfance, et œuvre en parallèle pour qu’ils puissent accéder à leurs droits (protection, logement, santé…).
 


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