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Traite et tourisme : comment lutter contre le phénomène ?

La traite liée au tourisme est présente dans tous les pays du monde, profitant de la mondialisation et de la démocratisation du voyage. Ses mécanismes sont identiques aux autres formes de traite, impliquant des réseaux organisés ou familiaux qui s’implantent là où il y a une demande de la part des touristes ou voyageurs.

Un contexte touristique favorable à la traite

Les touristes sexuels profitent clairement de la distance qui les sépare de leur pays d’origine et du soit disant relativisme culturel pour s’autoriser des abus qu’ils s’interdiraient chez eux. Quant aux exploiteurs, ils bénéficient du laxisme des autorités nationales et des normes sociales de certains pays pour se développer et exploiter des victimes.

De nombreuses formes de traite en découlent : exploitation sexuelle, obligation à commettre des délits, mendicité forcée, exploitation par le travail…

Des auteurs et des victimes difficiles à identifier
La distance et la tolérance de certains pays où se déroule la traite rend difficile l’identification des exploiteurs et des victimes. Elle est pourtant essentielle pour mener les enquêtes, protéger les victimes et porter le sujet au niveau politique afin de mobiliser les autorités contre ce phénomène.

Des enquêtes internationales qui peinent à aboutir
Les enquêtes sur ces situations de traite impliquent une collaboration étroite entre les pays d’origine et de destination des auteurs. Or, il est difficile de recueillir des éléments matériels concrets, comme le témoignage des victimes, quand l’exploitation s’est déroulée à l’étranger, car la coopération entre les autorités des différents pays dépend de leur niveau de conscience vis-à-vis de la traite, et de leur degré de mobilisation pour lutter contre.

La dématérialisation de la traite (ou les liens entre la traite et un environnement numérique)  favorise le développement de l’exploitation et l’invisibilité des auteurs et des victimes
Internet est devenu incontournable dans toutes les formes de traite. Pour les auteurs, il favorise le recrutement en leur donnant facilement accès aux personnes vulnérables via les réseaux sociaux. Par ailleurs, il leur permet d’identifier et d’entrer facilement en contact avec des demandeurs.

Mais Internet est aussi un lieu d’exploitation en tant que tel. Depuis la crise sanitaire, l’exploitation sexuelle en ligne prolifère via des sites de livestreaming proposant aux clients de commanditer des abus sexuels en direct. L’exploitation par le travail s’est également virtualisée, asservissant des victimes travaillant à distance via Internet.

L’intervention d’Internet dans la traite rend encore plus difficile l’identification des auteurs, des facilitateurs, et des victimes. L'appréhension des phénomènes de traite liés à Internet n’étant pas la même en fonction des pays, la collaboration internationale, nécessaire au déroulement des enquêtes, est devenue encore plus complexe.

Des actions à mener pour enrayer le phénomène

Encourager les signalements pour favoriser l’identification
Aujourd’hui, la grande majorité des touristes et voyageurs rencontrant des situations suspectes n’osent pas les signaler par crainte d’accuser à tort ou par manque de preuve.
Or, un signalement n’est qu’un partage d’information avec la police sur une situation jugée douteuse. Il ne constitue pas une accusation et ne requiert pas de preuve. C’est ensuite à la police qu’il revient de décider si cela nécessite une enquête, et d’apporter les preuves de l’infraction si elle est constatée.

Il y a donc un travail de sensibilisation à effectuer auprès des touristes, des voyageurs et des professionnels pour les encourager à signaler les situations douteuses observées. Cela passe par de l’information sur l’existence de ces formes de traite, sur les indicateurs que l’on peut repérer, et sur les procédures de signalement.

Pour développer cette démarche, le réseau ECPAT a mis en place une plateforme : dontlookaway.report.

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Plaider en faveur de la coopération internationale
Il y a un travail de plaidoyer à faire au niveau national, européen et international pour donner une définition universelle de la traite et aligner les textes de loi. Le but est que tous les pays aient la même compréhension du phénomène afin de pouvoir lutter contre conjointement.

 

Ces actions de plaidoyer sont particulièrement importantes dans le cadre de la traite en ligne et des évolutions constantes du phénomène que cela implique car tous les pays n’ont pas le même niveau d’information à ce sujet et ne l’appréhendent donc pas de la même façon.

Identifier les victimes pour éveiller les consciences
Identifier les victimes est primordial dans la lutte contre la traite. Leur parole est indispensable pour faire avancer les enquêtes et favoriser la prise de conscience des autorités et les encourager à collaborer. Lors des procès, elle permet aux magistrats de considérer la gravité des faits et d’en tenir compte dans le jugement.

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Prévenir les mineurs sur les risques d’Internet
Face aux rôles d’Internet dans les évolutions de la traite et dans l’exploitation en ligne, la prévention des mineurs et profils vulnérables permet de se protéger et d’éviter les comportements à risque.

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ECPAT FRANCE

Membre du réseau international ECPAT (End Child prostitution, Child Pornography & trafficking of children for sexual purposes), ECPAT France est une association française créée en  1997.

Elle a pour mission de prévenir et de lutter contre toutes les formes de violence et d’exploitation sexuelle des enfants, y compris la traite, en ligne et hors ligne. 

Ecpat France développe des projets en France et à l’international pour prévenir, protéger et réparer les droits des mineurs et les jeunes victimes. Elle porte une attention particulière à la participation et à la prise en compte des vues des enfants dans le développement et la conduite de ses projets.


Article écrit en collaboration avec Ludivine Piron, Conseillère technique - ECPAT France