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Se battre contre la marchandisation des corps via Internet

On estime qu’environ 62 % de la prostitution passe par Internet pour mettre en relation les personnes en situation de prostitution, ou leurs proxénètes, avec les clients. La particularité de cette forme de traite est que la phase d’exploitation est visible sur Internet. Le commun des mortels peut accéder aux annonces d’offre de prostitution depuis son ordinateur personnel en quelques clics.

Banalisation de la prostitution et marchandisation des corps

Internet, un moyen rapide et accessible pour acheter et vendre des corps humains 
La distance et la virtualité d’internet par rapport à la prostitution de rue participe à la banalisation du phénomène. Être « Escort » sur Internet peut sembler être un moyen discret et accessible de gagner de l’argent facilement pour des jeunes filles vulnérables et des proxénètes à la recherche de « proies ». En réalité, cette forme de prostitution donne lieu à de vraies passes, tout aussi traumatisantes que la prostitution de rue. Cette forme de banalisation est vraie aussi pour les acheteurs. Internet permet de franchir le pas de l’achat d’acte sexuel en toute simplicité et discrétion.

infographie marketing

L’action des réseaux de proxénétisme et de traite  sur Internet

Pour les réseaux dédiés à l’exploitation sexuelle, les réseaux sociaux sont l’occasion de repérer et recruter des jeunes filles et garçons vulnérables. Ils vont jusqu’à y faire de la publicité proposant aux jeunes de gagner de l’argent facilement. Une fois recrutés, les exploiteurs se chargent de poster les annonces, de louer les chambres ou les appartements et de mettre en relation les clients avec les victimes. 

« Un certain nombre de réseaux chinois, sud-américains ou d’Europe de l’est, très organisés, ont été démantelés. Ils géraient tout sur Internet : la publication d’annonces, la location de chambres ou d’appartements, les transactions financières. Ils avaient même un standard téléphonique pour mettre en relation les exploiteurs et les clients. »  Lucie Gil

La lutte contre l’exploitation sexuelle sur Internet

L’action des forces de l’ordre
Elle est assez complexe car de nombreux sites d’annonces sont basés à l’étranger et il n’y a pas de législation harmonisée en Europe et à l’international. Néanmoins, Internet est un endroit où l’exploitation est traçable. Quelques unités de police et de gendarmerie possèdent des moyens numériques pour faire de la veille sur les sites d’annonces et repérer les indices de la présence de réseaux d’exploiteurs. A partir de là, les agents remontent les filières à partir des adresses IP, placent les numéros mentionnés dans les annonces sur écoute pour intercepter les conversations avec les clients et effectuent des surveillances sur les lieux de passe afin d’obtenir les preuves du délit de proxénétisme et de traite. 

Cependant, la plupart du temps, les filières sont remontées suite au signalement effectué par des riverains ayant repéré des activités prostitutionnelles. A partir de là, la police ou la gendarmerie ouvre une enquête et fait le lien avec les sites d’annonces qu’ils peuvent utiliser pour tracer les réseaux. 

Internet : un moyen d’entrer en contact avec les victimes
Les associations effectuent une veille sur les sites d’annonces pour repérer les personnes en situation d’exploitation et leur proposer de l’aide. Elles utilisent les coordonnées mails ou téléphoniques mentionnées dans les annonces pour entrer en contact avec la victime.

Lorsque les messages n’arrivent pas directement dans les mains des proxénètes, c’est un bon moyen de déclencher un accompagnement vers la sortie d’exploitation. 

La prévention sur Internet
Pour contrebalancer la présence des exploiteurs sur Internet, les associations tentent d’effectuer des campagnes de sensibilisation sur les sites d’annonces généralistes qui diffusent aussi des annonces  de prostitution. Ce serait sans doute l’un des moyens les plus efficaces de toucher les victimes potentielles, mais la collaboration avec les sites d’annonces, pour ce type de campagne, est particulièrement difficile à mettre en place. Par ailleurs, certaines associations créent des sites de prévention à destination des jeunes qui recherchent des informations sur la prostitution, les violences sexuelles ou l’emprise et des victimes qui souhaitent de l’aide pour sortir de la traite.

Exemple du site « je ne suis pas à vendre » porté par l’Amicale du Nid 
Bandes dessinée interactives, vidéothèque dédiée à la prévention de l’exploitation sexuelle, lexique, contacts pour demander de l’aide et ressources destinées aux professionnels de la jeunesse qui voudraient faire de la prévention auprès des jeunes. La région Ile-de-France soutient ce projet. 

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Quelques exemples illustrant la lutte contre les sites proposant des annonces de prostitution

Les Etats-Unis condamnent les sites d’annonces d’Escort
Au départ, le FBI a repéré la présence de réseaux de traite, exploitant notamment des mineurs étrangers et américains via le site d’annonces Backpage. Le FBI a donc remonté ces filières et fait fermer le site en avril 2018. Cette action a donné lieu à la loi FOSTA – SESTA (Allow States and Victims to Fight Online Sex Trafficking Act - Stop Enabling Sex Traffickers Act) qui condamne l’existence de ce genre de site et permet de les fermer plus facilement. 

Le procès « Vivastreet »
C’est un site de petites annonces généraliste qui avait 2 rubriques payantes : « érotica » et « érotica gay ». Pour poster une annonce, un certain nombre d’options étaient proposées, également payantes : nombre de photos, référencement sur le site… Ce qui pouvait se chiffrer à plusieurs centaines d’euros par mois pour une présence avantageuse dans ces rubriques. Vivastreet a fait l’objet de deux plaintes déposées par les parents d’une jeune fille mineure qui avait été exploitée via ce site et par l’association « le Mouvement du Nid ».
Depuis mai 2018, une information judiciaire est en cours pour proxénétisme aggravé et Vivastreet a fermé ses 2 rubriques « érotica » et « érotica gay ».

« Mécénat » et exploitation sexuelle
En apparence, le site « Rich meet beautiful » mettait en relation de riches mécènes (« sugar daddies ») avec des jeunes femmes et hommes (« sugar babies ») afin de financer leurs études… En réalité, dans de nombreux cas, il s’agissait clairement d’échange d’argent contre des prestations sexuelles. Le site est allé jusqu’à placer un camion publicitaire sur les campus pour recruter des étudiant.es en Belgique et à Paris. A Paris, le camion a été interdit pour défaut de stationnement et une enquête pour proxénétisme aggravé a été ouverte en 2017. 

 

L’Amicale du Nid

Elle lutte contre la traite des êtres humains à travers 2 missions : 

L’une orientée sur le travail social : maraudes sur les lieux de prostitution, accueil et accompagnement social des victimes avec ou sans hébergement au sein de ses établissements (9 établissements Centre d’Hébergement et de Réinsertion Sociale en France et des permanences en partenariat avec d’autres associations)

La seconde est dédiée à la formation des professionnels susceptibles d’être en contact avec des personnes en situation de prostitution ou en risque de prostitution ou de traite, la prévention auprès des jeunes (sur le risque de prostitution, de devenir client ou proxénète, le tout dans un cadre plus global sur la prévention des violences faites aux femmes et le respect de soi et d’autrui) et la recherche pour mieux connaitre le système prostitutionnel. 

L'Amicale du Nid est une association nationale.

Article rédigé en collaboration avec Lucie Gil, chargée de mission à l’Amicale du Nid