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La traite d'êtres humains : un crime qui ne connaît pas de frontières

Comment évolue la traite des êtres humains à l’échelle mondiale et quelles en sont les causes ?

Selon le rapport de l’Organisation Internationale du Travail, 21 millions de personnes dans le monde sont victimes de travail forcé. Mais la traite d’êtres humains concerne l’exploitation criminelle de femmes, d’hommes et d’enfants à des fins diverses : exploitation sexuelle, travail forcé, obligation à commettre des délits, contrainte à mendier, mariages forcés… Le nombre de victimes de la traite est donc bien plus important.

Tous les États sont affectés par la traite des êtres humains en tant que pays d’origine, de transit ou de destination des victimes. Les conflits aggravent encore davantage les vulnérabilités, les groupes armés exploitant les civils et les trafiquants visant les personnes déplacées de force. Les catastrophes naturelles nécessitant des migrations forcées aussi multiplient des risques de traite.

La demande d’une rémunération du travail pas chère - qui rejoint la question de notre consommation quotidienne - et le fait que la traite génère beaucoup de profits sont aujourd’hui des raisons pour lesquelles ce fléau prospère.

Les données montrent également que la traite se produit partout autour de nous. Et la proportion de personnes trafiquées dans leur propre pays a doublé ces dernières années, pour atteindre 58% de toutes les victimes détectées, selon le Rapport mondial de l'UNODC de 2018 sur la traite des personnes.

Bien que de nombreux pays aient mis en place des lois nationales sur la traite conformes au Protocole des Nations Unies contre la traite des personnes, ce phénomène continue de faire des victimes. De plus, dans de nombreux pays, ces victimes peuvent toujours être criminalisées alors que l'impunité des trafiquants prévaut.

La traite des êtres humains continue par ailleurs de se développer au sein de nos pays, souvent de façon invisible.

Pourquoi une Journée mondiale de la dignité des victimes de la traite ?

Le 30 Juillet 2019, la Journée mondiale est destinée à « faire connaître la situation des victimes de la traite humaine et promouvoir et protéger leurs droits » s'attache à souligner, en particulier, l'importance de l'action gouvernementale dans l'intérêt des victimes de la traite. Mais cet appel à l'action ne s'adresse pas uniquement aux gouvernements, tout le monde est invité à agir pour prévenir ce crime odieux.

Sur quoi s’appuyer au niveau mondial pour combattre la traite ?

Ces dernières années, la question de la traite des êtres humains est souvent intégrée aux conclusions des grandes conférences mondiales. Les Objectifs de développement durable ont pour cible, par exemple, l'interdiction et l'élimination du travail des enfants sous toutes ses formes… et pas seulement. 

Un an plus tard, lors du Sommet des Nations Unies pour les réfugiés et les migrants en septembre 2016, les États Membres sont parvenus à un consensus pour aboutir à un document fort : la Déclaration de New York . Parmi les 19 engagements adoptés, 3 concernent l'action concrète à l'encontre de la traite d'êtres humains et du trafic de migrants (qui conduit souvent à de traite). 

En décembre 2018, le "Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières" adopté par la Conférence intergouvernementale  des Nations Unies de Marrakech (Maroc), prévoit dans son objectif 10, de :

prévenir, combattre et éliminer la traite des personnes dans le cadre des migrations internationales en renforçant les capacités existantes et la coopération internationale aux fins des enquêtes, des poursuites et des sanctions, en décourageant la demande qui favorise l’exploitation puis la traite, et en mettant fin à l’impunité des réseaux de trafiquants.

Celui-ci précise que cela passe par des mesures législatives ou autres afin de prévenir, combattre et éliminer la traite des personnes dans le cadre des migrations internationales et déjà à améliorer l’identification des migrants devenus victimes de traite ainsi que la protection et l’assistance qui leur sont offertes, s’agissant notamment des femmes et des enfants.

Et au niveau européen ?

En juin 2018 plusieurs agences de l’Union européenne associant leurs compétences complémentaires en termes d’asile, de gestion des systèmes d’information, de justice, de lutte contre la drogue, de police et de justice et de droits fondamentaux s’engageaient à travailler conjointement conformément au traité de Lisbonne pour lutter contre la traite des êtres humains en contribuant à la mise en œuvre des politiques de l'Union Européenne et en soutenant la coopération. La directive 2011/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 concernait la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène, ainsi que la protection des victimes.

Il s’agissait aussi d’aider les États membres à appliquer cette directive et exploiter les synergies créées par la déclaration commune 2011 et le travail accompli au titre de la stratégie communautaire en vue de l'élimination de la traite des êtres humains 2012-2016, COM(2012) 286 final.

Nous reconnaissons que la traite des êtres humains est une violation grave des droits fondamentaux, explicitement interdite par l'article 5, paragraphe 3, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; une forme de criminalité transnationale organisée très lucrative et axée sur la demande et une menace majeure dans l'Union européenne et au-delà ; un phénomène dans lequel les femmes et les filles sont touchées de manière disproportionnée.

Le nombre de victimes de la traite des êtres humains est beaucoup plus élevé que celui des victimes couvertes par les chiffres officiels, qui ne sont pas toutes identifiées et ne bénéficient pas toutes de l'assistance et de la protection appropriées ; les enfants sont particulièrement vulnérables ; la traite des êtres humains est associée à plusieurs autres infractions. Par exemple, la  drogue peut également jouer un rôle dans le processus de traite des êtres humains, en facilitant l'exploitation des victimes.

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Par ailleurs, la collaboration se poursuit avec le GRETA du Conseil de l’Europe, groupe de suivi de la mise en œuvre de la Convention du Conseil de l’Europe contre la traite des êtres humains. En France, par exemple,le GRETA a interpellé le gouvernement dans ce domaine en janvier 2019. Cependant le second Plan d’Action National contre la Traite des êtres humains tarde à voir le jour.

Quels enjeux pour la société civile dans la lutte contre la traite des êtres humains ?

Le réseau Caritas considère la traite des êtres humains comme une question d’injustice et de crime et un phénomène qui prive l’être humain de sa dignité. C’est devenu un moyen d’exploitation de situations de détresse des plus pauvres. Caritas croit qu’elle peut avoir une grande influence sur l’opinion publique et en particulier dans l’opinion de tous ceux qui adhèrent aux valeurs humaines.

Au niveau mondial

Tout d'abord, lutter contre la traite des êtres humains signifie s'attaquer aux causes sous-jacentes du sous-développement et des conflits.

Le premier défi de Caritas est de promouvoir un projet de développement humain intégral basé sur la communauté pour permettre aux victimes potentielles de se procurer des moyens de subsistance durables. C'est un moyen d'éviter qu'ils ne deviennent victimes de trafiquants sans scrupules.

La deuxième défi de Caritas est de convaincre les dirigeants des pays d'assurer des voies sûres et légales pour ceux qui décident de migrer et de protéger leurs intérêts et leur dignité. C'est pourquoi nous invitons les États à mettre en œuvre le Pacte mondial sur la migration qui promeut fortement ce point.

Le troisième défi est d’encourager et promouvoir le rôle des organisations de la société civile dans la lutte contre la traite des êtres humains. Les organisations de la société civile doivent être soutenues pour qu'elles puissent intégrer des mécanismes de sensibilisation et de prévention dans leurs micro-projets de développement, leurs actions de plaidoyer et aussi dans les réponses aux catastrophes.

Le quatrième défi est de changer nos habitudes de consommation afin d’éviter de développer l’exploitation de personnes dans les chaines d’approvisionnement.

Au niveau européen

Au niveau européen, Caritas Europa riche de l’implication de ses membres dans la lutte contre la traite des êtres humains s’engage à suivre la mise en œuvre de la déclaration commune d’engagement du 13/06/19 : à travailler ensemble pour lutter contre la traite des êtres humains et favoriser ainsi une meilleure coordination entre les acteurs. 

Chacun de ses membres impliqué dans la lutte contre la traite des êtres humains contribue à analyser la mise en œuvre de la directive du 2011/36/EU suite au rapport de fin 2018, ou une série de recommandations ont été faites.
Geneviève Colas, du Secours Catholique Caritas France,  membre de la plate-forme de la société civile contre la traite des êtres humains créée par la Commission européenne et point focal de Caritas Europa sur la traite veille avec d’autres Caritas européennes à la mise en place au sein des pays de stratégies de prévention et de lutte contre la traite dans une vision humaine s’opposant parfois à des politiques « sécuritaires » finalement peu respectueuses des droits de la personne humaine. 

Caritas Europa refuse les politiques migratoires xénophobes et la criminalisation des migrants, et insiste sur la nécessaire ’indemnisation des victimes sans laquelle les personnes concernées ne peuvent pas reprendre contrôle sur leur vies.

Une recherche-action concernant la traite des enfants dans l’espace euroméditerranéen associe une dizaine de Caritas (France, Albanie, Kosovo, Bosnie Herzégovine, Slovaquie, Ukraine, Liban, Jordanie, Europa et Moyen-Orient Nord de l’Afrique) pour mieux prévenir la traite et aussi permettre aux enfants victimes de se reconstruire. Elle sera présentée en novembre au Kosovo en présence de membres d’institutions et de la société civile.
 

Secours Catholique Caritas France

Le Secours Catholique Caritas France participe à la lutte contre la traite des êtres humains sous toutes ses formes (exploitation sexuelle, travail forcé, esclavage domestique, incitation au vol, incitation à la mendicité, trafic d’organes...) en soutenant des initiatives locales en France et dans différents pays et en développant des actions de plaidoyer auprès des acteurs institutionnels.
 
Il s’agit :
d’améliorer la prévention des populations à risque,
de sensibiliser le grand public,
de mettre en réseau les acteurs locaux pour développer l’échange d’informations et l’interaction,
d’accompagner les victimes (aide psychologique, juridique, sociale)
et enfin de développer des activités de plaidoyer aux niveaux national.

Le Secours Catholique - Caritas France qui coordonne le Collectif "Ensemble contre la traite des êtres humains" est membre de la plateforme européenne de lutte contre la traite des êtres humains créée par la Commission européenne.

Le Secours Catholique collabore régulièrement avec le GRETA du Conseil de l’Europe et interpelle le Comité des Parties à la Convention du Conseil de l'Europe. contre la traite des êtres humains afin que le suivi de celle-ci interpelle les gouvernements signataires chargés de leur application dans leur pays.

Il est aussi membre du groupe de pilotage du réseau mondial Coatnet piloté par Caritas Internationalis, ce qui favorise des collaborations et partenariats avec diverses organisations de tous les continents.

Il intervient régulièrement avec le réseau Caritas présent dans 160 pays, dont il est le membre français auprès des institutions de l'ONU : Conseil des droits de l'homme, Comité des droits de l'Enfant.
 


Article rédigé par Geneviève Colas, 
Responsable « Traite des êtres humains. Mineurs isolés. Justice juvénile. », Secours Catholique – Caritas France


Pour rappel, un outil créé par le Collectif "Ensemble contre la traite des êtres humains" sur la traite des êtres humains dans le monde, toujours disponible pour sensibiliser :

http://www.contrelatraite.org/video-introductive-sur-la-traite-des-enfants-dans-le-monde