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Les hôteliers face à la traite des êtres humains

Aujourd’hui, la grande majorité de l’activité prostitutionnelle a lieu dans des chambres d’hôtel ou des appartements privés suite à la consultation d’annonces sur Internet. Les hôtels concernés appartiennent généralement à des chaines et proposent des chambres à bas prix. La prostitution s’y déroule à un rythme effréné, les victimes pouvant avoir souvent une dizaine de clients par jour. Les hôteliers sont donc en première ligne face à la traite à des fins d’exploitation sexuelle.

La traite à des fins d’exploitation de la prostitution dans des hôtels aujourd’hui

La mobilité des réseaux
Les réseaux de prostitution sont très petits et extrêmement mobiles. Ils restent rarement plus d’une semaine dans le même hôtel et se déplacent d’un département à l’autre, ce qui rend leur traçabilité et les enquêtes compliquées. 

La réservation des chambres
En général, les chambres sont réservées au nom du proxénète, personne majeur du groupe d’exploiteur. Pour brouiller un peu les pistes, ce dernier utilise parfois d’autres identités, comme celles de membres de sa famille.

Les guichets automatiques
Les hôtels moyens et bas de gamme ont de plus en plus recours aux guichets de réception automatique qui délivrent les clefs sur présentation d’une carte de crédit ou d’un numéro de réservation sans aucune vérification de l’identité de la personne. A aucun moment le client n’est confronté à un réceptionniste. Ce qui favorise la discrétion des proxénètes et de l’activité prostitutionnelle.

Des hôteliers parfois complices de la traite dans leur établissement
L’activité prostitutionnelle est plus ou moins discrète et les allers et venues des clients peuvent être remarquées. Il arrive parfois que certains réceptionnistes perçoivent une partie des bénéfices de l’activité prostitutionnelle. Ils font alors en sorte de faciliter le passage aux clients, de ne jamais s’interposer et de fermer les yeux sur la circulation des personnes.

Le proxénétisme hôtelier et la loi

Selon la loi le fait de tolérer, ou de ne pas empêcher, les activités prostitutionnelles au sein de son hôtel, est déjà une infraction. 

La jurisprudence de 2010
Une jurisprudence récente existe. Elle date d’une affaire dans laquelle un réceptionniste avait remis directement les clefs aux personnes qui s’étaient présentées au guichet sans vérifier la nature de la prestation hôtelière. Il a été condamné car le juge a considéré qu’il ne s’était pas suffisamment inquiété de l’objet de la réservation.
La jurisprudence mentionne : 
« La remise spontanée de la clef par le réceptionniste de l’hôtel à un client potentiel sans aucun échange à propos de la prestation hôtelière souhaitée constitue les indices apparents de l’infraction de proxénétisme hôtelier ».

Cette jurisprudence, ajoutée aux textes de loi, pourrait être utilisée pour limiter l’utilisation de guichets automatiques qui facilite le proxénétisme hôtelier et qui représente une forme de tolérance vis-à-vis de celui-ci. 

Les hôteliers en première ligne pour lutter contre la traite

Signaler les situations de prostitution
Le personnel hôtelier doit être formé à repérer les indices du proxénétisme hôtelier afin qu’il puisse rapporter les faits à leur hiérarchie ou directement auprès de la police. 
Cela parait basique, mais pourtant, les signalements de la part des hôtels sont très rares alors qu’ils sont les premiers à pouvoir constater une situation de prostitution. 

Vérifier l’identité des clients
Les réceptionnistes devraient systématiquement vérifier l’identité des clients. Cela pourrait éveiller des soupçons lorsqu’une même personne se déplace de chambre d’hôtel en chambre d’hôtel auprès d’une même chaine hôtelière. Cette traçabilité sur les réservations faciliterait le travail d’enquête. Il faudrait toutefois trouver un dispositif qui ne soit pas attentatoire aux libertés fondamentales.

Impliquer la direction dans la lutte contre le proxénétisme hôtelier
L’idéal serait que les directions des hôtels prennent conscience du phénomène et développent des stratégies de groupe pour former leurs employés à repérer et signaler les situations de prostitution. Cela passe par un rappel de la loi aux salariés et la mise en place d’une politique claire au sein des groupes sur la façon de faire remonter les signalements.

L’action des associations pour lutter contre la traite dans les hôtels

La sensibilisation sur les mécanismes du proxénétisme hôtelier d’aujourd’hui
Les hôteliers n’ont pas forcément conscience de la façon dont s’organise la prostitution aujourd’hui. Il apparait utile de mener des actions de sensibilisation auprès des hôteliers sur les mécanismes de la prostitution d’aujourd’hui, qui a souvent recours aux annonces sur Internet et qui se déroule majoritairement dans des hôtels.

Les hôteliers doivent prendre conscience qu’ils sont une pièce du puzzle de l’exploitation sexuelle, et qu’avec leur aide, il est possible de l’enrayer.

Former les hôteliers aux signalements
Il est nécessaire de former des hôteliers sur les procédures de signalement au procureur et à la coopération avec les services d’enquête et la police. Le but est qu’ils puissent savoir comment réagir lorsqu’ils sont confrontés à une situation de prostitution. 

Accompagner les hôtels dans leurs plans de lutte contre le proxénétisme hôtelier
Il faudrait commencer par contacter les hôteliers pour les alerter sur les risques de prostitution dans leurs hôtels et les encourager à y remédier. A partir des mesures qu’ils ont déjà mis en place, les associations peuvent proposer des actions complémentaires pour améliorer leur efficacité.

L’exemple d’Accor

  • Organisation de modules de sensibilisation auprès de leurs employés
  • Vidéo pédagogique à destination des employés, faite avec ECPAT, montrant les indices permettant de repérer une situation de prostitution et la méthode pour la signaler.
  • Panneau d’information et d’avertissement à destination des clients rappelant l’interdiction d’avoir recours à la prostitution

ACPE

L’Association a été créée en 1986 pour sensibiliser les Français sur l’exploitation sexuelle des mineurs d’abord à l’étranger et aujourd’hui en France.

Ses missions sont essentiellement : 

Des campagnes de communication
Des actions en justice
De l’aide aux victimes
Du lobbying
Des actions de formation

ACPE travaille essentiellement sur les adolescents français qui adoptent des conduites prostitutionnelles et qui sont sous l’emprise de réseaux.


Article écrit en collaboration avec :
Arthur Melon, : secrétaire général de l’ACPE
Bertille Delcros, pôle juridique
Catherine Le Moël, bénévole