Coordination : Geneviève Colas - genevieve.colas@secours-catholique.org - 06 71 00 69 90

Soutenir et accompagner les victimes d'exploitation au travail en période de confinement

Face à la crise sanitaire, les victimes d’exploitation par le travail ont besoin plus que jamais d’un suivi spécifique et de conserver le lien social avec les accompagnants. Les solutions à distance mises en place par des associations offrent des perspectives pour améliorer les relations et l’accompagnement des personnes à l’avenir.

Conséquences de l’épidémie et du confinement pour les victimes d’exploitation par le travail rencontrées par l'OICEM

Le risque de la perte du lien
La soudaineté des mesures de confinement a nécessité une réorganisation rapide de l’accompagnement des victimes. Pour la grande majorité d’entre-elles, le lien avec l’association a pu être conservé dans un premier temps par téléphone. Mais pour celles qui ont besoin de cartes pour recharger leur crédit téléphonique par exemple, elles n’ont pas toujours trouvé de solution pour se les procurer, la majorité des points de vente étant fermés. Il est alors très difficile de garder le contact avec elles malgré leurs besoins dans cette période de crise.

Une prise de conscience complexe
Pour certaines personnes étrangères qui ont déjà vécu des situations extrêmement difficiles, comme la crise Ébola par exemple, la prise de conscience de la nécessité de respecter les mesures actuelles pour lutter contre l’épidémie a nécessité plus de temps et d’explications. 

Il a fallu faire preuve de compréhension et de pédagogie pour qu’elles puissent adhérer aux règles de précautions mises en place et accepter de se protéger, ainsi que pour expliquer et adapter les outils de sensibilisation afin que les personnes puissent s’identifier et se protéger.

Isolement et détresses psychologiques
Beaucoup de personnes ayant été exploitées, accompagnées par l’association, sont confinées seules, notamment des jeunes majeurs. Pour certaines d’entre-elles, le fait de se retrouver face à elles-mêmes fait remonter des souffrances psychiques ou des traumatismes vécus. Cette détresse psychologique est très difficile à gérer sans soutien extérieur. A cela s’ajoute également le climat anxieux lié à l’épidémie. Pour beaucoup, ils rencontrent des difficultés pour joindre leur famille restée dans leur pays d’origine, et sont très inquiets pour elle. 

Le soutien psychologique à distance est essentiel dans cette période d’isolement, essentiellement pour aider les personnes à gérer leurs angoisses et continuer à se projeter.

Aider les personnes dans leurs démarches résultant de la crise sanitaire

crise

Veiller au respect du droit du travail en cas de chômage partiel
Pour les personnes confinées en chômage partiel, l’enjeu est de veiller à ce que les démarches soient correctement effectuées par le patron et de vérifier si elles sont informées de la fin du chômage partiel ainsi que de leurs droits dans la situation actuelle. 

Le but étant qu’elles puissent faire valoir leurs droits en cas de litige afin qu’elles ne subissent pas injustement les conséquences de la crise actuelle.

Le prolongement des droits pour les demandeurs d’emploi
Pour les personnes qui ne sont pas en activité, l’idée est de les accompagner dans leurs démarches avec pôle emploi afin que leurs droits soient correctement actualisés comme le prévoit les mesures actuelles face à la crise.

Vérifier les conditions de travail des personnes en activité
Pour les personnes qui sont encore en activité, en particulier dans le service à la personne, le nettoyage et la sécurité, il s’agit de vérifier les conditions dans lesquelles elles exercent afin de savoir si elles respectent les mesures de protection actuelles : sont-elles équipées de masques et de gants par leur patron ? leur lieu de travail est-il sécurisé ? leurs horaires sont-ils aménagés en fonction de la baisse de fréquence des transports en commun ?… 

En général, même si cela a parfois mis un peu de temps, les impératifs de sécurité ont été mis en place par les employeurs.

Suivre les procédures juridiques
Pour les victimes engagées dans une procédure contre leur exploiteur, les démarches juridiques ont pour la plupart été interrompues. Malgré cela, les procédures suivent leur cours bien que les audiences soient reportées. 

Il est donc nécessaire de rester en contact avec les avocats pour informer les victimes sur les éléments à transmettre et les rassurer sur l’évolution de la situation.

Entretenir les liens pédagogiques, sociaux et conviviaux à distance

Depuis 3 ans, l’association entretient un partenariat avec la fondation Orange. Celui-ci a permis d’équiper les victimes accompagnées de smartphones, et de les sensibiliser à la communication digitale à travers des ateliers numériques. Ce travail en amont est particulièrement bénéfique aujourd’hui pour entretenir les relations à distance.

Informer sur l’essentiel malgré le confinement
Les personnes accompagnées utilisant déjà WhatsApp, une liste de diffusion a été créée sur ce réseau afin de communiquer pendant cette période. 90 personnes des 160 personnes accompagnées actuellement sont concernées.

Cela a permis de les informer sur les mesures de confinement à respecter, l’utilisation des attestations de sortie (transmises avec des pictogrammes créés par l’OICEM), les consignes sanitaires à respecter, les démarches CAF et pôle emploi à effectuer, la prolongation des titres de séjour et sur toute l’actualité qui les touche au quotidien.

Un Padlet est également mis à disposition des victimes pour leur transmettre des informations sous forme ludique et accessible. 

padlet


Pour celles qui n’ont pas Whatsapp, des appels téléphoniques leur sont passés regulièrement. L’inquiétude est pour les personnes qui ne sont pas joignable (une dizaine) notamment car elles n’ont pas pu recharger leur téléphone.

image

Adapter la communication pour être compris de tous
Pour rompre les barrières de langue et s’adresser également aux personnes qui ne savent ni lire, ni écrire, les supports d’information ont été travaillés pour un résultat imagé pouvant être compris de tous. Par ailleurs, les communications se font en plusieurs langues et les messages vocaux sont parfois privilégiés. 

lien

Cours de français en ligne
Pour prolonger les cours d’alphabétisation dispensés avant la crise, des vidéos d’apprentissage du français sont diffusées sur WhatsApp. 

L’école à la maison : soutenir les parents
Un accompagnement spécifique en visio est proposé aux parents qui éprouvent des difficultés à accompagner leurs enfants dans le cadre de l’école à la maison. 

social

Des solutions pour mieux vivre le confinement
Afin de proposer un lien convivial et divertissant en cette période d’isolement, l’association propose aux personnes des contenus culturels et ludiques : visite virtuelle d’un musée ou des expositions de Van Gog en musique, échanges de musiques relaxantes… L’association a également proposé à chacun de faire une prise de vue de sa fenêtre dans le but d’en faire une fresque géante. 

Tous ces éléments permettent de conserver un lien social et de pratiquer des activités distrayantes qui permettent de mieux vivre la solitude.

fenetres

Financement des associations en temps de crise 

Il est possible que les associations les plus petites et les plus fragiles, comme les personnes les plus précaires, pâtissent de la crise du Covid-19. La question des financements reste en suspens, car certaines commissions votant les subventions ont été suspendues. 

Des relations numériques à prolonger à l’avenir

Les solutions de lien numérique mises en place en temps de crise apportent un complément de relation et d’information tout à fait pertinent pour les bénéficiaires. Il semble intéressant de prolonger ce type de communication à l’avenir.

Les cours de français en ligne sont une bonne expérience. Il semble aussi intéressant à l’avenir de créer une base de données regroupant les éléments utilisés pendant les ateliers afin de pouvoir les diffuser à distance en cas de besoin.

Persévérer dans la communication imagée

Tout le travail effectué en temps de crise afin de rendre accessible les informations, malgré les barrières de la langue et les différents niveaux d’alphabétisation, est riche en enseignement. C’était déjà une préoccupation avant la crise, mais elle a donné une nouvelle impulsion dans ce sens et encourage à poursuivre et persévérer dans cette démarche.

De nouveaux partenariats nés de l’urgence 

Pour répondre aux besoins des victimes, les associations ont eues besoin d’étendre leurs partenariats, ce qui peut avoir des répercutions tout à fait positives à l’avenir.  

L’OICEM Organisation Internationale Contre l’Esclavage Moderne

Outre l’accompagnement de personnes victimes de traite exploitées en France et en Europe, l’OICEM développe depuis plusieurs années une assistance aux personnes mineures et majeures qui ont été victimes de traite, d’esclavage, de travail forcé, durant leur parcours migratoire. 
L’OICEM offre notamment un soutien psychologique spécialisé et vient en appui aux équipes professionnelles et bénévoles qui sont de plus en plus confrontées à des récits relatant ces faits de traite et d’esclavage.

Article rédigé en collaboration avec Nagham Hriech Wahabi, psychologue clinicienne directrice de l'OICEM