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Ukraine, un an après : la traite des êtres humains

L’offensive « éclair » de la Russie en Ukraine en février 2022 s’est enlisée face à la résistance de sa population et au soutien de la communauté internationale. Comme dans tous les conflits, la question de la traite des êtres humains se pose pour les civils restés sur place comme pour les personnes réfugiées à l’extérieur du pays. Quelle est la situation un an après et pourquoi sommes-nous tous concernés ?

Nous venons d’acter un bien triste anniversaire après un an de guerre en Ukraine. Quid de la traite humaine et que nous révèle la situation sur place ?
Je regrette avant tout qu’on ne parle plus autant de la traite dans les médias qu’au début du conflit. Pourtant, un nouveau travail a été fait depuis avec le Haut Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés (UNHCR), la mission interministérielle dédiée et les associations pour sensibiliser les victimes grâce à des supports déclinés en différentes langues pour les adultes et les enfants.

Il est important de rappeler toutes les formes de traite également, là où le grand public n’identifie en général que les femmes et l’exploitation sexuelle. Les hommes et les enfants sont tout aussi concernés et la traite revêt différentes autres formes : exploitation à des fins économiques ou à la mendicité, servitude domestique, travail et mariage forcés, incitation à commettre des délits ou trafic d’organes.

Rien qui ne soit exclusif aux zones de conflits ou aux pays frontaliers mais face à un fléau souvent invisible, il reste difficile d’identifier les plus vulnérables avant leur exploitation. Le travail de prévention des publics à risque demeure nécessaire, tout comme la sensibilisation des pouvoirs publics.

La crise ukrainienne, malheureusement, a donné plus de visibilité sur le risque d’exploitation des personnes et fait prendre conscience d’une situation commune à tous les conflits, proches ou lointains.

La guerre a révélé d’autres sujets peu abordés, comme les enfants nés de GPA ou l’adoption d’enfants orphelins - qui ne le sont pas tous en réalité. Des enfants aussi, emmenés sur le territoire russe pour des vacances ou un lieu d’accueil provisoire qui devient définitif, où l’on ne parle plus ukrainien. Par ailleurs, une plus grande vigilance et un meilleur accompagnement sont mis en place pour sensibiliser les familles d’accueil de réfugiés.

La traite n’est plus l’apanage de réseaux : une famille lambda peut aussi dépasser les limites et de faux samaritains font miroiter sur internet de fausses promesses d’embauche ou d’hébergement, menant à la prostitution ou au travail forcé.

La tâche est immense et le trafic souvent dissimulé : sur quels soutiens pouvez-vous compter dans cette mission ?

Notre force, c’est le travail en réseau et la complémentarité des acteurs associatifs sur le terrain.

Caritas Internationalis, de par son expérience et son maillage, permet une meilleure identification et le site internet contrelatraite.org publie et informe régulièrement. Caritas Ukraine est d’ailleurs la première avec laquelle nous avons travaillé sur le sujet : nous financions déjà, il y a plus de vingt ans, des lieux d’accueil pour des femmes victimes de traite après avoir cherché du travail dans les pays frontaliers.  Nous avons plus récemment rédigé un plaidoyer en avril 2022 pour avoir une attention à toutes les formes de traite et faire en sorte de protéger et faire reconnaître les droits des personnes isolées, créer une ligne téléphonique dédiée et accompagner ceux qui hébergent.

Le lien avec les institutions reste essentiel, même si la dimension politique n’est pas suffisamment prise en compte sur le sujet.

La nomination d’un nouveau Secrétaire général à la tête de la mission interministérielle, après six mois d'absence, Roxana Maracineanu, nous redonne espoir.

Votre plaidoyer interpelle sur la situation internationale mais également à l’intérieur de nos frontières. Quels sont, ici, les points qui restent à améliorer ou vos attentes pour la suite ?
La France s’est mise à jour sur les textes internationaux concernant la traite mais cette démarche ne suffit pas. Nous demandons que les lois soient appliquées et qu’on donne plus de moyens pour leur mise en œuvre, en termes de financement, d’hébergement, d’accompagnement et de santé.

Il n’existe plus de Plan national du travail depuis 2021 qui permette de mieux prévenir et lutter contre la traite par le travail, alors qu’on ne peut plus ignorer le sort réservé aux migrants notamment.

Face au manque de volonté politique et de stratégie globale sur la question ces dernières années, nous requerrons un mécanisme de référence pour l’identification et l’accompagnement des victimes, et des campagnes de sensibilisation ciblées mais non stigmatisantes. Je pense à la protection des mineurs étrangers isolés : beaucoup d’associations œuvrent sur le terrain mais sans réelle collaboration des institutions.

Une meilleure formation des professionnels concernés est également attendue dans la Justice, la Police et l’Éducation nationale.

Ce qui a été rendu possible et visible pour l’Ukraine doit l’être partout ailleurs pour les populations vulnérables. La prévention est essentielle pour sensibiliser l’opinion : il faut ouvrir les yeux au quotidien et s’interroger sur le respect apporté aux personnes que l’on croise.

Si les chiffres évoquent l’exploitation sexuelle comme traite principale en France (74% contre 9% pour le travail en restauration, nettoyage ou agriculture), ils ne rendent évidemment pas compte du nombre réel et du profil des victimes d’une traite aux multiples visages.

LA TRAITE DES ÊTRES HUMAINS DANS LES SITUATIONS DE CONFLITS ARMES
ET DE POST-CONFLITS

tel était le titre d’un événement parallèle qui s’est déroulé le 27 mars 2023 au Palais des Nations à Genève pendant le Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Le Secours Catholique - Caritas France avec Caritas Internationalis, le réseau mondial Coatnet et l’Ordre de Malte ont organisé un événement parallèle à l’ONU qui a rassemblé sous format hybride, à Genève et en visio, des centaines de personnes et est maintenant disponible.

Vous pouvez voir l’enregistrement avec des sous-titres en Français,  Anglais, Allemand, Italien, Russe, Espagnol, chinois simplifié sur le compte Vimeo en cliquant sur le lien suivant : vimeo.com/adlaudatosi/htinarmedconflict

Vous trouverez l’Intervention de Natalya HOLYNSKA qui vit en Ukraine et est chargée de la prévention et la lutte contre la traite des êtres humains à Caritas Ukraine (à la minute 19),  parmi d'autres intervenants de France, Roumanie, Liban et d’organisations internationales.

La rapporteure de l’ONU sur les enfants dans les conflits Virginia GAMBA (à la minute 12) et la Présidente  du Comité des droits de l’Enfant de l’ONU Mikiko OTANI (à la minute 43) participaient à cette table-ronde.

 

Secours Catholique - Caritas France

Le Secours Catholique - Caritas France participe à la lutte contre la traite des êtres humains sous toutes ses formes (exploitation sexuelle, travail forcé, esclavage domestique, incitation au vol, incitation à la mendicité, trafic d’organes...) en soutenant des initiatives locales en France et dans différents pays et en développant des actions de plaidoyer auprès des acteurs institutionnels.
 
Il s’agit :
d’améliorer la prévention des populations à risque,
de sensibiliser le grand public,
de mettre en réseau les acteurs locaux pour développer l’échange d’informations et l’interaction,
d’accompagner les victimes (aide psychologique, juridique, sociale)
et enfin de développer des activités de plaidoyer aux niveaux national et international.

Le Secours Catholique - Caritas France qui coordonne le Collectif "Ensemble contre la traite des êtres humains" est membre de la plateforme européenne de lutte contre la traite des êtres humains créée par la Commission européenne.

Le Secours Catholique - Caritas France collabore régulièrement avec le GRETA du Conseil de l’Europe et interpelle le Comité des Parties à la Convention du Conseil de l'Europe contre la traite des êtres humains afin que le suivi de celle-ci interpelle les gouvernements signataires chargés de leur application dans leur pays.

Il est aussi membre du groupe de pilotage du réseau mondial Coatnet piloté par Caritas Internationalis, ce qui favorise des collaborations et partenariats avec diverses organisations de tous les continents.

Il intervient régulièrement avec le réseau Caritas présent dans 160 pays, dont il est le membre français, auprès des institutions de l'ONU : Conseil des droits de l'homme, Comité des droits de l'Enfant, rapporteurs spéciaux...
 



Entretien réalisé par Bruno CÉSAR avec Geneviève COLAS, coordinatrice pour le Secours Catholique-Caritas France du collectif "Ensemble contre la traite des êtres humains" et membre actif du réseau mondial Coatnet.