Coordination : Geneviève Colas - genevieve.colas@secours-catholique.org - 06 71 00 69 90

Vers un accès aux soins

L’urgence des soins pour les victimes 

Alors qu’elles ont un besoin urgent de soins médicaux, en particulier sur le plan gynécologique, nombreuses sont les victimes de traite en situation irrégulière qui n’ont pas de couverture médicale. Elles expriment aussi fréquemment des "plaintes" somatiques qui nécessitent de l’écoute et un accompagnement médical. 
En général, les victimes de traite méconnaissent le système de soin qui peut leur être proposé et ne sont pas informées de leurs droits. L'AFJ les aide à accéder à une couverture médicale.

Ainsi, Blessing, victime de traite à des fins d’exploitation sexuelle pendant plusieurs années, est une femme nigériane arrivée mineure en France. Elle  a subi un parcours particulièrement violent : agressée à plusieurs reprises durant son passage par une filière terrestre via la Lybie, elle est alors exploitée quotidiennement dans différents lieux de prostitution sur la région parisienne. En début d’année, sa demande d’asile est finalement rejetée, elle se trouve alors en situation irrégulière. Ses droits sociaux (allocation demandeur d’asile et couverture maladie universelle) sont terminés.  Elle se prostitue afin de subvenir à ses besoins (appartement, nourriture et aide financière pour sa famille).

Les conditions d’obtention des droits

Pour les personnes en situation irrégulière, il existe l’Aide Médicale Etat (AME). Elle reste complexe à obtenir pour les victimes de traite car il faut pouvoir prouver sa présence sur le territoire français et avoir une pièce d’identité. En général, la démarche de régularisation est plus simple à enclencher dans la perspective de l’ouverture des droits.

Pour obtenir la Couverture Maladie Universelle (CMU), il est nécessaire d’être en situation de régularisation. L’entrée dans un parcours de demande d’asile, par exemple, ouvre le droit à la Couverture Médicale Universelle. Mais la procédure d’ouverture peut durer jusqu’à 3 mois. Pendant cette période, il est nécessaire de trouver des solutions pour palier à l’urgence des soins des victimes.

Blessing a porté plainte contre la personne qui l'exploitait. Elle est en attente d’un jugement. Ce qui occasionne beaucoup d’angoisse et de stress car sa famille subit des représailles du réseau. Elle cherche de l’aide pour arrêter la prostitution et se tourne vers les associations de terrain qui nous signalent sa situation. Elle est alors admise au foyer il y a un mois. A l’admission, Blessing est très introvertie mais exprime de nombreuses plaintes somatiques : de violents maux de têtes, des troubles du sommeil. Elle ne possède quasiment aucun document sur elle et ne possède pas de pièce d’identité.

Répondre à l’urgence des soins

Le réseau de partenaires
Pour les associations, il est important de se créer et d’entretenir un réseau de partenaires de professionnels de santé (médecins, hôpitaux, centres médicaux, gynécologues…). Ces relations permettent de trouver des solutions pour les victimes de traite qui sont face à une urgence médicale. Les professionnels de santé partenaires, connaissant l’association et le contexte de l’exploitation sexuelle sont à même d’intervenir pour les victimes et de subvenir à leurs besoins de façon pertinente même en cas d’urgence.

Les permanences médicales
Les permanences médicales effectuées par des médecins bénévoles auprès des associations permettent de proposer des consultations et des soins aux victimes à titre gracieux. Ces permanences sont prioritairement destinées aux victimes qui n’ont pas de couverture médicale. Seulement, elles ne sont pas quotidiennes et selon l’urgence des soins à apporter, il est nécessaire de trouver d’autres solutions. 

Pendant le premier entretien socio-éducatif durant lequel l’assistante sociale évalue les premiers besoins médicaux urgents et un éventuel suivi médical extérieur, Blessing explique avoir récemment fait un dépistage. Nous découvrons qu’elle a eu de nombreuses infections gynécologiques et a subi un avortement l’année passée. L’assistante sociale l’oriente vers la permanence du médecin bénévole au sein du foyer qui a lieu quelques jours après son admission. Blessing ne possédant pas de couverture médicale, cela permet de faire rapidement une première évaluation plus poussée. Après cette consultation, Le médecin préconise une orientation extérieure car Blessing a une hépatite B.

Les PASS
Les Permanences d’Accès aux Soins Santé dans les hôpitaux (PASS) font de l’accueil inconditionnel. Les personnes en situation irrégulière peuvent donc bénéficier de ce service. Seulement, cette alternative peut se révéler très chronophage pour les membres de l’équipe accompagnant la victime car il faut se présenter très tôt à l’hôpital et attendre la consultation avec la personne jusqu’à une demi-journée. 

L’assistante sociale oriente alors Blessing sur la Permanence d'Accès aux Soins de Santé (PASS) d’un hôpital parisien qui permet d’accueillir toute personne de façon inconditionnelle. L’assistante sociale l’accompagne. Un premier entretien a lieu avec un infirmier qui réalise un certain nombre de tests puis l’oriente vers un médecin. Ce dernier ordonne des examens. En fonction des résultats, elle sera suivie dans cet hôpital et une assistante sociale montera un dossier d’Aide Médicale Etat (AME). Blessing recevra des «bons pass » pour la gratuité des soins le temps que ses droits soient ouverts.

La prise en charge des associations
Etant donné la mobilisation des membres de l’équipe que nécessite les PASS, les associations préfèrent parfois avoir recours à une consultation auprès d’un médecin de quartier partenaire et de couvrir elles-mêmes les frais de santé de façon exceptionnelle. Les associations ont également des pharmacies propres avec des médicaments de première nécessité. 

Les associations savent donc faire face, en cas de nécessité, à l’absence de couverture santé des victimes avec leurs moyens, mais cela reste compliqué en termes de disponibilité et d’avance des frais médicaux. Un système d’obtention des droits plus simple et plus rapide leur permettrait de subvenir plus facilement aux besoins des victimes.

Et à plus long terme, que proposent les associations

Afin de garantir un accès aux soins adapté, toute victime de traite doit pouvoir bénéficier dès le départ d'une Aide Médicale par l'Etat  -AME- sans tenir compte de sa durée de présence sur le territoire, concernant les personnes étrangères. De même, que ne soit pas conditionné l’ouverture de la CMU à la présentation d’une pièce d’identité alors même qu’une des caractéristiques de la traite est la confiscation des pièces d’identité.

Pour un ensemble de raisons (méconnaissance de leurs droits et de l’offre de soins disponible, inconscience des dangers encourus pour leur santé, crainte de représailles si elles se tournent vers les institutions…), ces femmes ne sont pas toujours en mesure de prendre soin d’elles ; de fait, leur état de santé est souvent préoccupant. 

Sont donc importants :

  • L’identification des besoins : à l’admission, réalisations d’entretiens santé pour évaluer les besoins et leur degré d’urgence
  • La réalisation rapide de bilans complets (médecine générale, gynécologie, dépistages VIH, Hépatites et Infexion Sexuellement Transmissible),
  • Le traitement des pathologies détectées (IST principalement),
  • L’accompagnement dans la prise de traitements et l’ensemble des rendez-vous médicaux dans le cadre du suivi,
  • Des bilans et suivis ophtalmologiques, dermatologiques et dentaires,
  • La sensibilisation aux moyens de contraception et à la santé sexuelle,
  • L’éducation à une meilleure connaissance du corps et des maladies,
  • Un travail éducatif régulier sur les représentations socio-culturelles de la santé, des soins et des pathologies,
  • La prise en charge de troubles parfois très anciens et des plaintes somatiques,
  • L’autonomisation et l’appropriation progressive de son parcours de soin par la résidente (identifications des lieux ressources, démarches à effectuer, ouverture et renouvellement des droits).

Un important travail de prévention, d’information et d’accompagnement doit se poursuivre afin de limiter la prise de risque à long terme, et de renforcer les compétences des femmes  résidentes dans le foyer en termes de santé.

Association AFJ

C’est une association comprenant un foyer de mise à l’abri de 12 places et un appartement de 3 places à destination des femmes victimes de traite à des fins d’exploitation sexuelle.

Elle propose un accompagnement global des victimes : mise à disposition d’un hébergement, suivi administratif (ouverture des droits et régularisation administrative), suivi psychologique, actions éducatives d’insertion (apprentissage du français, accompagnement d’insertion professionnelle). Des activités sont proposées aux femmes au sein du foyer.

L’Accompagnement est effectué par une équipe de professionnels et des bénévoles. 


Article rédigé en collaboration avec Magali Poirier, chef de projet de l’association.