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La traite des êtres humains au Népal

La situation économique au Népal pousse les jeunes filles, les femmes et les hommes à rechercher une vie meilleure. Ils deviennent alors des victimes potentielles sensibles à un discours leur promettant un avenir à l’étranger ou à la capitale, Katmandou. Une aubaine pour les trafiquants qui les exploitent.

traite népal

 

Nicolas Bezin : Quelles sont les origines de la traite au Népal ?
Stéphanie Selle : Au départ, la traite des Népalaises commence lors de la colonisation par les Britanniques en Inde. La présence de nombreux soldats a créé un circuit d’importation de jeunes filles népalaises, réputées jolies et soumises, à des fins d’exploitation sexuelle. Depuis la guerre civile de 1996 à 2006, la traite des Népalais(es) se développe à Katmandou et dans les pays étrangers.

N. B. : Comment sont recrutées les victimes ?
S. S. : Vivant dans des villages reculés, les personnes victimes se laissent séduire par les fausses promesses des trafiquants. Ces propositions sont très souvent faites par des connaissances de la famille. Nous n’observons pas vraiment de réseau organisé, et les agents recruteurs sont souvent des femmes qui conduisent les victimes jusqu’à la frontière au-delà de laquelle elles courent le risque de l’exploitation. La traite s’observe aussi Népal, sous forme d’exploitation sexuelle, essentiellement à Katmandou.

Les femmes sont recrutées au départ pour danser, chanter, masser, servir et on leur demande très rapidement des services sexuels.

Les victimes se retrouvent dans un contexte inavouable et ont peur de s’en extirper. Souvent, elles souhaitent sortir de ce milieu quand elles tombent enceintes. 

N. B. : Quelles sont les formes d’exploitation auxquelles sont exposées les victimes ?
S. S. : Pour les hommes, cela se traduit essentiellement par du travail forcé dans la restauration ou la construction ; notamment dans les pays du Golfe. Pour les femmes, il s’agit d’exploitation sexuelle et d’esclavage domestique.

N. B. : Quelles sont les conséquences de ce phénomène pour le pays ?
S. S. : On estime que tous les ans plusieurs centaines de milliers de jeunes partent à l’étranger sur une population de moins de 30 000 000 d’habitants.

Certains villages ne sont plus peuplés que d’enfants, de vieillards, et de quelques femmes. C’est un vrai désastre pour le développement du pays.

N. B. : Pourquoi ce phénomène est-il si présent au Népal ?
S. S. : Il y a plusieurs raisons. Nous avons tous les profils parmi les victimes : tous les niveaux d’éducation, toutes les origines ethniques ou géographiques, toutes les religions… Mais les victimes ont toutes un point commun : elles sont issues de familles qui ne parviennent pas à leur assurer la protection nécessaire. Par ailleurs, il y a beaucoup de violences conjugales et domestiques au Népal. C’est un pays Hindou. La femme est parfois considérée comme un bien. Les femmes victimes sont moins protectrices vis-à-vis de leurs enfants. Le but est de lutter contre cette violence pour créer un cercle vertueux à ce niveau.

N. B. : Comment luttez-vous contre ce phénomène ?
S. S. : Nous agissons dans les domaines de la prévention et protection. Nous faisons aussi du plaidoyer avec des partenaires locaux afin de les aider à travailler sur les lois et leur application.

N. B. : Comment se traduisent vos actions de prévention ?
S. S. : Des actions de sensibilisation sont menées dans les zones les plus reculées auprès de la population via des acteurs locaux, des écoles…  Théâtre de rue, émissions de radio, affichage public…Mais la prévention ne s’arrête pas à l’information. Nous proposons également, par exemple, des permanences mobiles en zone de prostitution. Elles permettent aux femmes de venir parler de leurs problèmes, de leur donner les moyens de s’autonomiser et de quitter ce milieu si elles le souhaitent. Nous intervenons aussi pour former la police et la justice afin de leur fournir des clefs pour lutter contre le phénomène.

N. B. : Comment protéger-vous les victimes ?
S. S. : A travers des associations locales, nous les aidons à porter plainte et à connaitre leurs droits. Nous avons également mis en place, dans plusieurs zones du Népal, des comités de protection contre les violences. Le but est d’aider les communautés à s’organiser contre la traite des êtres humains et de former des femmes à prendre en charge des cas de violence et de traite. Nous ne leur demandons pas de résoudre le problème mais d’avoir un premier niveau de protection immédiate et de référer les cas aux acteurs pertinents : police, hôpitaux, magistrats, psychologues… Le mécanisme s’inscrit dans la politique publique d’un district.

Nous essayons de le porter à plus grande échelle. Ces comités de protection interviennent à l’échelle micro-sociale, là où tout se joue.

Enfin, nous avons mis en place des centres d’accueil et de réinsertion multidisciplinaire avec les acteurs locaux à Katmandou.   

N. B. : Quel est le message principal en prévention ?
S. S. : Nous incitons les acteurs locaux, la population, les acteurs publics et les associations à se saisir de ce problème pour le régler eux-mêmes. Sur le sujet de l’émigration, le but n’est pas d’empêcher les gens de partir, mais de les aider à faire les bons choix en les informant afin qu’ils puissent décider en connaissance de cause.

Le message c’est « partez si vous voulez mais réfléchissez avant. »

nepal

N. B. : Que nous raconte l’exposition photographique « le piège » ?
S. S. : Elle fait le focus sur l’exploitation sexuelle au Népal. La photographe, Lizzie Sadin, est restée 2 mois à Katmandou pour réaliser son reportage. Elle montre la réalité de ce phénomène. « Le piège » raconte la façon dont des jeunes femmes se font leurrer et tombent dans l’exploitation. L’exposition offre un regard humain sur les personnes prostituées, avec leur histoire, et montre ce qu’elles vivent aujourd’hui… 

En savoir plus sur la traite au Népal

Asyalist : Népal : la traite des êtres humains, un commerce en plein essor

Pour en savoir plus sur Planète Enfants et Développement
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Contributrice de ce texte, Stéphanie Selle est directrice de Planète Enfants et Développement

Crédits photos : Lizzie Sadin


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