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La traite des enfants d’Europe de l’Est en France

oOlivier Peyroux – Avant-propos de Robert Badinter – édition Non Lieu 2013

Cette étude porte sur la traite des enfants originaires d’Europe de l’Est en France. Par qui ces enfants sont exploités ? Pourquoi semblent-t-ils refuser toute forme de protection ?

L’ouvrage du sociologue Olivier Peyroux « Délinquants et victimes : la traite des enfants d’Europe de l’Est en France », lauréat du Prix Caritas – Institut de France 2013, approche la thématique de la traite des êtres humains sous un angle inédit, celui de la protection des mineurs originaires d’Europe de l’Est et victimes de traite en France. Olivier Peyroux y dévoile la complexité du phénomène et les nombreuses réalités qu’il recouvre.

L’auteur met notamment en évidence les stratégies mises en œuvre par les trafiquants pour exercer leur emprise sur leurs victimes.

Ce contrôle des victimes peut s’exercer, par exemple, par le truchement d’un mariage – consenti ou non – d’une jeune fille avec un jeune garçon en échange d’une dot payée à la famille de la mariée. La jeune fille, qui a suivi le « lover boy » à l’étranger, se retrouve dans une situation d’exploitation, à des fins de prostitution par exemple.

En cas de fuite, les trafiquants réclament à la famille le remboursement de la dot et des frais de voyages : quitter une telle situation d’exploitation est donc une entreprise particulièrement délicate.

D’autant que, comme le révèle Olivier Peyroux, les trafiquants sont passés maîtres dans la tromperie et l’exploitation des désirs mêmes de leurs victimes. Il se peut, par exemple, que la jeune fille en question ait épousé son mari par amour et que cet amour perdure après que l’exploitation ait commencé.

Le fait que les réseaux criminels reposent souvent sur des liens familiaux, réels ou fictifs, tend à accroître la fidélité des victimes de traite.

En outre, les personnes prises au piège, loin d’être entièrement passives, élaborent souvent des stratégies de débrouille visant à se sortir de leur condition présente et à jouir des avantages d’une vie meilleure.

Cette volonté de s’en sortir, manifestée par de nombreuses victimes de traite, est exploitée par les trafiquants, qui leur font miroiter la perspective d’une vie meilleure à l’étranger. Les victimes sont souvent fidélisées au moyen d’une « montée en grade », c’est-à-dire qu’on leur confie la charge de recruter et de « former » de nouvelles victimes.

Mais, bien qu’associées au trafic, il s’agit bien de victimes : trompées, maltraitées, souvent battues, ces victimes vivent dans la peur des services de police et de l’expulsion – peur que savent fort bien attiser les trafiquants.

A rebours des poncifs xénophobes qui irriguent la société, notamment au sujet des populations dites « rom », Olivier Peyroux rappelle que la traite des êtres humains n’a rien d’un phénomène culturel.

Par ailleurs, la traite des êtres humains recouvre des formes d’exploitation très différente (prostitution, exploitation de la mendicité, etc.) et des modes d’organisation eux aussi différenciés (réseaux criminels plus ou moins hiérarchisés, familiaux ou non, exploitation domestique en dehors de tout réseau, etc.)

Enfin, ce livre nous permet de prendre la mesure des insuffisances dans la prise en charge des mineurs victimes de traite des êtres humains en France.

Des considérations électoralistes privilégient une approche sécuritaire aux dépens de l’aide aux victimes, qui trop souvent sont traitées comme délinquantes. La poursuite des trafiquants tend à prendre le pas sur la protection des victimes, y compris des mineurs. Témoin le démantèlement du réseau dit « Hamidovic » qui sévissait dans le métro parisien. Les victimes ont été les grandes oubliées de cette affaire.